À l’ombre de la Cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême, Catherine Ternaux goûte le silence et la compagnie de l’imposante bibliothèque qui occupe les murs de son bureau d’écriture, tous ces auteurs qui accompagnent ses rêveries et son travail. Et c’est d’une voix calme, mais franche, qu’elle nous confie comment son chemin de lectrice s’est bâti.

Propos recueillis par   Romuald Giulivo

 

Quel rapport entretenez-vous avec la lecture ?
Catherine Ternaux : Un rapport assez complexe, curieusement. J’y suis arrivée très tard. J’ai peu lu dans mon enfance, et plutôt des bandes dessinées, comme s’il m’était alors impossible de me concentrer sans le support de l’image. Ma mère lisait énormément, mais elle était d’une génération qui ne guidait pas, elle m’enjoignait seulement à aller vers les livres et je crois j’ai manqué d’une médiation, d’un accompagnement dans mes choix. J’ai ainsi longtemps nourri une vraie appétence pour la BD, d’abord à travers la presse — Pif Gadget ou Le Journal de Mickey — ensuite en découvrant les albums d’humour grâce à Gotlib. Mais durant toute mon adolescence, pour ce qui est de la littérature au sens strict, c’était le vide interstellaire. J’étais une élève appliquée, je lisais les livres prescrits au collège, mais sans grande conviction. Je me suis mise à la philosophie, aux essais, mais le roman est resté pendant de longues années un objet étrange et lointain pour moi. Si bien que j’ai longtemps ressenti une sorte de culpabilité, comme une honte de ne pas trouver une porte d’entrée dans la fiction.

Comment expliquez-vous cette particularité ?
Catherine Ternaux : C’est difficile à dire. En vérité, encore aujourd’hui, j’oublie ce que je lis. Je suis incapable de raconter un roman, même si sa lecture est récente. Peut-être est-ce pour cela que je suis avant tout attirée par des ouvrages où l’histoire compte peu. C’est notamment grâce aux conseils de mon mari — Jean-Paul Chabrier, écrivain — que j’ai ouvert considérablement mon champ de lecture. Il m’a fait découvrir beaucoup d’auteurs aujourd’hui très importants pour moi. Comme je suis rarement emportée par un livre, si j’en trouve un qui me parle, j’ai tendance à devenir un peu compulsive et explorer toute l’œuvre de l’auteur, pour rester dans son univers, sa musique. Cela s’est passé ainsi avec Zweig, avec Soseki ou, plus récemment, avec Bove ou Ramuz. Ils ont composé des œuvres où je trouve ce que j’aime : une dimension d’universalité, quelque chose qui parle avant tout de la vie.
Après, même si je ne me souviens pas de tout, il me reste des choses profondes de ces lectures. C’est un peu comme un phénomène d’infusion. Les livres me marquent, mais leur empreinte demeure cachée, pareille à une impression indicible : une palpitation, des couleurs, des présences… Quelque chose de l’ordre d’un fragment de vie, une vie que l’on aurait partagée un temps avec des gens — l’auteur, ses personnages…
C’est ce plaisir, cette impression que je recherche avant tout dans la lecture. Tant est si bien que je vais souvent vers les livres plus parce que l’on me communique une envie de les lire que parce que l’on me les raconte.

Quels sont vos domaines de prédilection en tant que lectrice ?
Catherine Ternaux : J’ai en vérité surtout des moments de lecture. Je ne lis pas la même chose le matin, le midi ou le soir. Chaque livre a son heure à lui. Ainsi, je me suis rendu compte que je n’arrive pas à lire de la fiction avant midi. Le matin est en général consacré aux livres en lien avec la philosophie, la méditation, et à des essais en tous genres. C’est seulement le soir, après avoir passé comme un point de bascule dans ma journée, que je peux me laisser happer par un roman. Cela me semble correspondre au moment où quelque chose de l’ordonnance rationnelle du monde s’effrite et où l’énergie décline.
Sinon, après avoir beaucoup étudié la philosophie occidentale durant mes études, je me passionne aujourd’hui pour la philosophie orientale et plus particulièrement le bouddhisme. J’y apprécie cette façon de considérer l’homme dans une vision globale, en lien permanent avec son corps, son existence, et le monde qui l’entoure.
Je lis enfin de la poésie depuis assez peu de temps — depuis que je pratique la méditation. J’y trouve des choses d’une puissance inégalée. J’aime la nécessité qu’elle impose de prendre son temps, de laisser résonner les mots, les phrases. Georges Bonnet, Tomas Tranströmer, Andrée Chédid… Peut-être que la poésie convient bien à mon profil de lectrice. Une lectrice de l’économie et des silences, attentive au miraculeux mystère du vivre.

crédits photo : Philippe Roulaud

Outre des livres pour enfants, des essais, Catherine Ternaux a écrit des nouvelles, dont plusieurs recueils sont publiés aux éditions L’Escampette.

Catherine Ternaux nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

Bibliographie sélective de Catherine Ternaux :

Zoppot, L’Escampette

Une délicate attention, L’Escampette

Les cœurs fragiles, L’Escampette

Pour en savoir plus :

Portrait

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