Quand la fiction explore la sexualité

La collection L’Ardeur a été créée en 2019 par Charline Vanderpoorte, éditrice aux éditions Thierry Magnier. Elle a été pensée à destination des grands ados pour aborder les questions sur les corps et la sexualité par la fiction. L’Ardeur est le fruit d’une réflexion et d’un travail conjoint entre des auteurs et leur éditrice pour ouvrir le champ des possibles.

La collection L’Ardeur est née de constats et d’une réflexion qui a longtemps mûri dans l’esprit de Charline Vanderpoorte. L’éditrice s’intéresse à plusieurs documentaires audios sur la sexualité du point de vue féministe où il apparaît sans équivoque que le porno gratuit et la romance dont les adolescents sont consommateurs véhiculent une certaine idée de la sexualité basée sur la performance. Les questions s’égrènent alors en chapelet. Qu’est-ce que cela entretient dans leur rapport au corps et à leur sexualité ? Pourquoi le corps adolescent est-il si absent des romans ? Pourquoi les personnages n’ont-ils jamais leurs règles ? Pourquoi la prévention n’est-elle que rarement du côté du désir alors que le corps adolescent subit à l’échelle intime une véritable révolution ? Que faire pour changer cela, et leur montrer autre chose ? Le déclic vient à la lecture de Sanglant Hiver, un roman islandais de Hildur Knútsdóttir paru aux éditions Thierry Magnier en 2017, dans lequel apparaît une scène de sexe naturelle et spontanée entre deux adolescents. Charline Vanderpoorte propose alors à Thierry Magnier la création d’une collection entièrement dédiée à ces questions et obtient son aval.

L’éditrice adresse une lettre à une quinzaine d’auteurs dont elle aime le travail, lettre dans laquelle elle explique le fil de sa réflexion, son constat et l’urgence d’offrir aux lecteurs adolescents d’autres perspectives que le porno gratuit pour épanouir leur sexualité. Parmi eux, il y a Camille Emmanuelle qui vient de sortir aux éditions Les Échappés Lettre à celle qui lit mes romances érotiques, et qui devrait arrêter tout de suite. L’auteure qui a écrit une douzaine de romances érotiques sous pseudo, y explique comment ces textes doivent répondre à une charte très cadrée, où personnages et scènes sont stéréotypés, où l’humour est exclu considérant que celui-ci ne fait pas bon ménage avec amour et sexe. En réaction à la lecture de ce livre, Charline Vanderpoorte acte que L’Ardeur n’imposera aucune charte aux auteurs, la littérature se devant être un espace de liberté de création. En réponse à ses courriers, certains auteurs se manifestent pour se lancer dans l’aventure dont Camille Emmanuelle qui accepte ce pari compliqué de passer de la littérature générale à la littérature jeunesse. L’enjeu est de trouver le ton juste tout en faisant confiance aux lecteurs. Son manuscrit ouvrira la collection. Ainsi paraît en 2019, Le Goût du baiser.

Après trois ans d’existence, la collection L’Ardeur se précise et s’affirme dans ses propositions : tout est possible si cela fait évoluer les représentations de la sexualité. Les sujets sont ouverts. Charline Vanderpoorte cherche des textes qui mettent en scène aussi bien des personnages hétérosexuels cisgenres féminins ou masculins, tout autant que des narrateurs dont le genre ne se dévoile pas au cours du récit, car ce qui compte, ce sont les pistes d’exploration proposées et le côté surprenant des personnages. L’humour, trop absent des textes érotiques, intéresse plus que jamais l’éditrice : « L’humour dans le sexe, c’est ce qu’il y a de plus génial ! »

Les auteurs connaissent désormais la collection et s’emparent des sujets avec leurs propres questionnements. L’éditrice suit le mouvement, évolue et mûrit encore sa réflexion sur le genre grâce à eux. Elle attend des textes qu’ils la surprennent en empruntant des chemins inexplorés.

La collection L’Ardeur trouve peu à peu sa place, cumule les prix littéraires (Trophée de l’édition, Pépite de Montreuil) et des retours de presse dithyrambiques, mais il y a encore du chemin à parcourir, et un travail de pédagogie à mener auprès des médiateurs et des prescripteurs. En effet, Charline Vanderpoorte n’a pu la présenter lors des tables rondes et rencontres qui étaient prévues au moment du lancement de la collection, celles-ci ayant été annulées à cause de la crise sanitaire. La vie de la collection s’appuie donc essentiellement sur les librairies engagées sur le féminisme, les communautés de lecteurs et les représentants chargés de porter les nouveautés auprès des libraires. « Défendre des romans pour adolescents sur la sexualité est une vraie difficulté. » Charline Vanderpoorte cherche comment toucher les principaux intéressés : « Nous assumons cette collection comme faisant partie de la littérature jeunesse, mais ce n’est pas simple d’atteindre les adolescents quand il s’agit de littérature de l’intime et quand en librairie, le rayon jeunesse est le plus souvent coupé du rayon adulte. Nous nous appuyons beaucoup sur les professeurs documentalistes et les bibliothécaires qui défendent ces titres avec conviction, et ce sont lors des salons du livre que nous rencontrons les lecteurs. Au niveau sociétal, les choses bougent sur la sexualité, et les nouveaux titres à paraître fin 2023, début 2024 vont ouvrir le lectorat. Je suis attentive aux gens que je rencontre pour trouver un nouveau chemin, pour convaincre, pour ouvrir les possibles quand il est question des sensations liées au corps. »

Avec un rythme de parution de deux titres par an et un tirage de trois-mille exemplaires par ouvrages, L’Ardeur pose son rythme de croisière, et dévoile à chaque parution un angle différent, une approche singulière de la sexualité, sans tabou, dans le respect du corps et de l’écoute du désir. L’Ardeur a déjà démontré la qualité de ses propositions littéraires, et promet de belles découvertes pour les années à venir.

Par L.B.

Sur le site de l’éditeur :

https://www.editions-thierry-magnier.com/collection-l-ardeur-1237.htm

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Collection L’Ardeur – Présentation par la maison d’édition

LIRE, OSER, FANTASMER, trois mots qui résument l’ambition de la collection L’Ardeur. Depuis ses débuts, notre maison est fière de défendre une littérature courageuse qui s’intéresse à l’adolescence telle qu’elle est, avec ses zones d’ombres, ses excès, ses émotions exacerbées. Mais l’adolescence est aussi une période où le corps se métamorphose, où la vie sexuelle commence. Quoi de plus logique, alors, que d’ouvrir notre catalogue à des textes qui parlent de sexualité, de désir, de fantasme. L’Ardeur se pose résolument du côté du plaisir et de l’exploration libre et multiple que nous offrent nos corps.

 

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