« Paysages d’auteurs » est une série de documentaires sonores de création en quatre épisodes, conçue Un Autre Monde et réalisé par Romuald Giulivo, avec Olivier Vieillefond à la prise de son. Elle a été développée en Nouvelle-Aquitaine, avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles et le concours du réseau régional des résidences d’écriture. Elle donne à entendre les voix d’auteurs et d’autrices évoluant en duo dans un paysage choisi et explore leur rapport à la géographie du lieu.


Dans la série « Paysages d’auteurs »,
la réalité du territoire que les auteurs et autrices arpentent devient très vite prétexte à digression. Les artistes sont invités à parler de leurs émotions suscitées par ce paysage et de l’importance du rapport au lieu dans leur processus créatif. Entre paysage réel et géographie rêvée, les auteurs donnent à entendre leur perception intime, sensible et esthétique de l’environnement qui les entoure.
Le dispositif est pensé pour laisser la place à l’instantané de la rencontre entre deux personnalités artistiques, qui se découvrent lors de cette promenade littéraire. Pour l’une, l’espace parcouru est familier. C’est un auteur ou une autrice du territoire. L’autre vient d’ailleurs. Se joue alors, dans le dialogue entre ces deux regards, entre ces deux pensées, une mise en perspective inattendue : le surgissement d’une altérité dans la perception intime d’un paysage.
Si la parole des auteurs tient la place centrale, elle est enveloppée par l’empreinte audio du paysage. L’identité acoustique du site et la libre parole des auteurs s’entremêlent, invitant l’auditeur à ressentir plus qu’à s’imaginer.
Accessibles sur les plateformes de diffusion podcast, les quatre documentaires sonores bénéficient d’une retransmission élargie grâce à un déploiement régional et à la mise en réseau de plusieurs partenaires : les structures associées aux lieux d’accueil (résidences d’auteurs, Parc naturel régional des Landes de Gascogne, La Forêt d’art contemporain, etc.), les institutions (Région Nouvelle-Aquitaine, Drac), chacun les incluant à leur communication spécifique.
Des actions de médiation sont également programmées sur l’ensemble du territoire, associant les partenaires et des acteurs spécifiques (médiathèques, offices de tourisme, lycées et CFA).
Ces moments d’écoute collective seront l’occasion, pour le public convié, de découvrir autrement les lieux mis en avant, et d’appréhender les liens entre écriture et paysage par le prisme de voix artistiques variées.
Épisode 1 :
Port de Bordeaux
L’histoire de Bordeaux est liée à celle de son fleuve, la Garonne, et de son port maritime, plus connu sous le nom de port de la Lune. Carrefour d’échanges très actif durant plusieurs siècles, il devient port colonial à partir du XVIIe siècle. Impliquée dans le commerce triangulaire et l’esclavage, la ville écrit alors les pages sombres et controversées de son histoire.
Aujourd’hui ce passé est assumé, et les travaux de réaménagement des quais entamés il y a quelques décennies sous la conduite du paysagiste-urbaniste Michel Corajoud ont permis aux habitants de se réapproprier les rives du fleuve. Nouveaux ponts, musées et quartiers résidentiels ont vu le jour, parmi lesquels les Bassins à flots, espace urbain de 160 hectares dont la physionomie a été entièrement modifiée ces quinze dernières années. Grands équipements culturels, sentes piétonnes paysagères, implantation d’entreprises et d’écoles… ce nouveau quartier, construit autour du port de plaisance, traversé par des paquebots gigantesques, pourrait laisser croire, à ceux qui n’y prendraient pas garde, que l’océan est sous leurs yeux.
Erwan Desplanques
Erwan Desplanques est écrivain et journaliste indépendant. Il a longtemps travaillé à la rédaction de Télérama avant de publier cinq livres depuis 2013, dont quatre parus aux éditions L’Olivier. Le rapport au réel, à l’espace, est important dans son œuvre, comme point de départ de la fiction, peut-être parce qu’il a d’abord été journaliste, aimant aller sur le terrain le bloc-notes à la main. Peut-être aussi parce qu’il affectionne particulièrement la photographie. Les États-Unis d’Amérique, auxquels son père vouait une passion, font partie de son histoire familiale (il rend hommage à cette figure paternelle dans son troisième livre, L’Amérique derrière moi) et de ses références littéraires (Raymond Carver, John Fante…). Et l’océan, auprès duquel il a vécu quelque temps dans le Sud des Landes, tient une place centrale dans son premier roman Si j’y suis. Ces paysages sont pourtant peu décrits dans ses textes, ils sont plus prétextes à une écriture de l’intime, qui installe l’individu au centre d’un décor.
Photo © Patrice Normand
Hélène Gaudy
Hélène Gaudy est écrivaine et plasticienne de formation. Elle a écrit plusieurs romans, des ouvrages pour la jeunesse et des livres d’art. Elle développe de nombreux projets liés à l’image et au paysage : dans Un Monde sans rivage (Actes Sud, 2019), elle écrit à partir de photographies d’explorateurs polaires disparus ; dans Archipels, son dernier livre (L’Olivier, 2024), c’est une île, portant le prénom de son père, qui déclenche la découverte, par l’écriture, d’une géographie intime. « J’aime partir des lieux et voir où ils me mènent, explique-t-elle, c’est souvent à travers un paysage que j’essaie de saisir une histoire ou une personne . »
[1] Voir la vidéo de l'entretien avec Hélène Gaudy,
Librairie Mollat, 2024
Photo © Brigitte Blaquard
Épisode 2 :
Le village de la Madeleine
La vallée de la Vézère, en Dordogne, riche en abris-sous-roche, recèle un site préhistorique exceptionnel, archétype de l’habitat troglodytique primitif : le village de la Madeleine, situé dans la commune de Tursac. Construit dans une cavité à flanc de falaise, il est entouré de forêts et par la rivière, élément naturel fondamental qui a permis au territoire de développer son économie durant plusieurs siècles.
Entre voyage historique à travers la Préhistoire (en remontant jusqu’au Magdalénien) et le Moyen Âge, ou immersion dans un cadre naturel exceptionnel (la Vézère dessine un méandre en boucle à cet endroit, appelé « cingle » dans la terminologie locale), le site se prête à une déambulation inspirante.
Ismaël Jude
Ismaël Jude est auteur et metteur en scène de théâtre. Originaire du Pas-de-Calais, il vit aujourd’hui à Paris. Après avoir terminé une thèse de littérature sur Gilles Deleuze, il s’intéresse au théâtre de Philippe Quesne et publie : L’Antroposcène et ses troglodytes (L’Harmattan, 2018), un essai qui explore comment la relation de l’homme à la nature se traduit sur scène.
Également romancier, il publie plusieurs livres chez Verticales : Grief (2022), Vivre dans le désordre (2019), et Dancing with myself (2014).
Pour son prochain roman, il est venu travailler à Saint-Léon-sur-Vézère, en Dordogne, accueilli en résidence aux Plumes de Léon, avec l’intention de porter « attention à l’agencement de l’espace et aux relations entre les gens pour les transposer dans la fiction ». Fin observateur du réel qui l’entoure, Ismaël Jude part toujours d’un lieu, dans chacun de ses livres.
Photo © Sophie Bassouls
Laureline Mattiussi
Laureline Mattiussi est une autrice de bande dessinée. Née à Nancy, elle vit aujourd’hui à Bordeaux. C’est l’album L’île au poulailler (Glénat/Treize Étrange, prix Artémésia 2010) qui l’ancre dans le paysage de la BD (avec une mise en couleur d’Isabelle Merlet). Suivront de nombreux autres titres, réalisés seule ou en collaboration, dont le dernier, Les Clients d’Avrenos, est paru chez Dargaud, en 2024, dans la collection « Simenon, les romans durs ».
Quand elle travaille en solitaire, Laureline Mattiussi affectionne le noir et blanc, qu’elle peaufine au fil des albums. Mais elle aime aussi créer dans l’échange, que ce soit en s’inspirant des œuvres d’un autre (Carlos Salem, Catulle, Cocteau…) ou en dialoguant avec ses pairs ou des artistes venus d’univers différents (musiciens, comédiens…), avec lesquels elle conçoit des spectacles dessinés
Photo © Lou Lbr
Épisode 3 :
Constellation de Cazalis
Oeuvre de Delphine Gigoux Martin, Cazalis, Gironde
Installée sur la commune de Cazalis, dans le Sud Gironde, en contrebas des dunes de sable blanc plantées de pins maritimes, la Constellation de Cazalis, œuvre de l’artiste Delphine Gigoux Martin en forme de gros coquillage blanc ouvert vers le ciel, est une invitation à un voyage poétique. Elle est comme une clé pour comprendre l’histoire de ce site, où, il y a très longtemps, l’océan était présent.
Il vous faudra marcher environ dix minutes dans la forêt, guidé, tel le Petit Poucet, par des sculptures en forme de patelle fixées aux fûts, pour rejoindre cette création parsemée de petits trous traçant la constellation de la Grue. Vous pourrez alors vous asseoir à l’intérieur pour contempler les étoiles. Elle est la 26e œuvre implantée sur le Parc naturel des Landes de Gascogne, sous l’égide de La Forêt d’art contemporain, outil de production et de diffusion de l’art contemporain sur ce territoire.
Banafsheh Farisabadi
Banafsheh Farisabsadi est poétesse et traductrice. Elle est née à Téhéran et vit en France depuis 2023. Elle commence à écrire très jeune, puis publie ses poèmes dans diverses revues et anthologies en Iran et à l’étranger. Elle traduit depuis 2006 en persan des œuvres de la littérature française. Sa poésie, à la fois intime et engagée, se situe désormais entre deux langues, le français et le persan, et deux territoires, qui résonnent en elle dans un contraste permanent : entre le tumulte de sa ville natale et le silence des divers lieux de résidence où elle a séjourné en France. La nature s’est ainsi peu à peu immiscée dans sa poésie sans pour autant chasser l’atmosphère urbaine dans laquelle elle a grandi.
Photo © Olivia Borne / ALCA Nouvelle-Aquitaine
Jean-Philippe Ruguet
Jean-Philippe Ruguet est chargé de mission Territoire à énergie positive pour la croissance verte au sein du Parc naturel régional des Landes de Gascogne. Urbaniste de formation, il élabore des projets de territoire dans les domaines de l’urbanisme, de l’architecture, de l’énergie et de la sensibilisation au paysage. Il s’est engagé, dans le cadre de ses activités, en faveur de la biodiversité nocturne et de la lutte contre la pollution lumineuse. Des actions qui mettent aussi en lumière la qualité du ciel étoilé de ce vaste territoire.
Épisode 4 :
Lagunes du Gat Mort, Hostens
Les lagunes du Gat Mort (« chat mort » en gascon) et le Domaine d’Hostens représentent le plus vaste Espace naturel sensible girondin. Parsemé de nombreuses zones humides, voire tourbeuses, de marais, lacs, étangs, lagunes et de forêts, le site s’étend sur plus de 730 hectares. De nombreuses espèces animales et végétales y prospèrent. À l’été 2022, 400 hectares de forêt sont partis en fumée lors de l’incendie de Landiras. Aujourd’hui, le sol composé de lignite se consume encore par endroits. Pourtant, peu à peu, la nature reprend ses droits. Au milieu des fûts carbonisés, sur le sol encore jonché de souches et de cendres, des touches de vert intense apparaissent, la mousse et les fougères repoussent. Paysage d’une beauté apocalyptique, à l’horizon dégagé, comme l’était la lande de Félix Arnaudin, il faut s’imaginer la forêt qui n’est plus. Le Département de la Gironde, propriétaire des lagunes du Gat Mort, tente de préserver quelques îlots d’arbres peu impactés par le feu en espérant une reforestation naturelle par dissémination des graines tout en favorisant le développement de la zone humide.
Pascale Moisset
Pascale Moisset est autrice jeunesse. Elle écrit des histoires et collabore avec des artistes pour les illustrer. La nature tient toujours une place importante dans ses textes : la montagne dans Une pour tous, tous pour une (Les Petites Moustaches, 2020), le jardin dans Bulle Ballu (Les Petites Moustaches, 2018), l’océan dans Surf, surf, surf (Courtes et longues, 2024), et enfin la forêt dans son dernier album Feu ! (Courtes et longues, 2025), inspiré des grands incendies de l’été 2022 dans le Sud Gironde. Attentive à la poésie du réel, elle prête l’oreille aux mots et aux images de l’espace qui l’entoure et qu’elle explore pour le transposer ensuite dans les histoires qu’elle invente.
Photo © Alban Gilbert / ALCA Nouvelle-Aquitaine
Lydie Palaric
Lydie Palaric, artiste-auteur férue de photographie, chargée de projets culturels et commissaire d’exposition indépendante, a dirigé la Maison de la photographie des Landes puis La Forêt d’art contemporain, dont elle s’occupe encore aujourd’hui. Dans ce centre d’art à ciel ouvert, implanté sur le Parc naturel régional des Landes de Gascogne, elle défend l’importance du lien entre l’art et le territoire et milite pour une désacralisation de l’art contemporain. Habitante du Sud Gironde, elle s’est trouvée au cœur de la catastrophe lors des incendies de l’été 2022. De cette expérience traumatisante est né un livre, Le Sens du Vent, dans lequel les mots ont pris le relais de son appareil photo ; elle ne l’a pas touché pendant toute cette période, ne parvenant pas à regarder ce nouveau paysage.
Photo © Alban Gilbert / ALCA Nouvelle-Aquitaine
