Néfos

Néfos

Lucie Braud, autrice et scénariste de bande dessinée, explore dans un récit intimiste les souvenirs d’une histoire d’amour perdue d’avance sous le soleil implacable de la Grèce et des premiers âges adultes. Après Ferdinand, paru il y a quelques années aux éditions in8, elle démontre de nouveau avec Néfos d’un regard plein d’émotion et de justesse.

 

Grèce Néfos Lucie Braud Un autre Monde

 

« Néfos signifie nuage en grec. Ce mot désigne plus particulièrement le nuage de pollution qui asphyxie Athènes à certaines périodes de l’année, notamment lorsque le vent ne souffle plus et que la chaleur s’abat sur la ville.
L’histoire de Michelle et Eni est inspirée de faits réels. Je voulais raconter la rencontre entre une étudiante en proie à des doutes et des interrogations, qui cherche sa voie sans savoir quelle direction prendre alors que son chemin semble déjà tracé par d’autres, et Eni, un jeune albanais sans papiers arrivé en Grèce dans des circonstances troubles, qui vit au jour le jour et prend de la vie ce qu’elle lui donne. Deux jeunesses éprises de liberté et de rêves qui se rencontrent et dénouent ensemble le pourquoi de leur fuite, malgré leurs différences.

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Tous deux sont perdus. Ils se raccrochent l’un à l’autre pendant ces quelques mois. Michelle a une vie intérieure chaotique bien qu’elle évolue dans un cadre stable. Eni vit dans l’insécurité permanente et rêve sa vie en bon père de famille, avec Michelle à ses côtés. Chacun apporte à l’autre ce qui lui manque, cependant, leur voyage commun devra s’arrêter pour que chacun suive sa route. Michelle abandonne Eni et Eni se laisse abandonner par Michelle. En acceptant cela, ils témoignent de leur amour l’un pour l’autre.

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Tout au long du récit, Michelle écrit à Donna, sa grand-mère. Ces lettres sont les seuls moments où la jeune fille se livre et exprime ce qu’elle ressent, où l’on peut percevoir son cheminent intérieur. Car Michelle, dans son attitude, dans sa façon d’être, donne le sentiment d’être spectatrice de sa vie. Or, Michelle ressent des choses mais elle ne partage pas. Pour se protéger. Tout comme Eni se protège en ne disant pas tout de sa vie. Michelle et Eni se rencontrent, s’acceptent et s’aiment tels qu’ils sont, avec leur part d’ombre et leurs fêlures.

Enfin, il me semble important de préciser que bien que je me sois appuyée sur des événements que j’ai vécus pour écrire cette histoire, ce texte ne saurait être autobiographique tant il est romancé. »

 

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Lucie Braud – rue Sorvolou, Athènes

Sans un mot

Sans un mot

Comme beaucoup de gens durant le premier confinement, Romuald Giulivo s’est posé la question de son utilité face à la crise sanitaire. Geste à la fois symbolique et dérisoire, il a choisi — plutôt que donner son avis comme bien trop d’artistes — de faire ce qu’il savait le mieux faire, à savoir lire. Il a donc sur plusieurs semaines donné à entendre la totalité de Sans un mot, un roman pour grands adolescents paru à L’École des Loisirs.

 

 

« Sans un mot est un livre qui m’a longtemps occupé, quand pourtant sa forme volontairement ramassée ne le laisse pas forcément paraître.

L’idée m’est venue en 2007 alors que Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur eten pleine campagne présidentielle, a donné dans la surenchère qu’on lui connaît en profitant que des parents sans-papiers viennent chercher leurs enfants à  l’école pour les arrêter devant les établissements scolaires. Il avait même fait mettre en garde à vue une directrice d’école qui avait eu l’outrecuidance de s’interposer durant une interpellation musclée. Le cynisme de ces opérations et l’instrumentalisation des enfants m’avaient comme beaucoup ému, et j’ai eu envie d’imaginer ces événements depuis le regard des enfants. Mais la première version du texte n’était pas satisfaisante. Moi-même fils d’émigré, je n’avais pas réussi à produire autre chose qu’un récit de colère et j’ai donc mis ce texte au tiroir.

 

Je pensais que ça serait définitif, mais hélas les dérives policières sont un marronnier dès qu’il est question de politique migratoire. Ainsi, en 2013, le même Nicolas Sarkozy, devenu président, s’est mis cette fois à arrêter des enfants au sortir des écoles, afin d’accélérer les processus d’expulsion de leurs familles. J’ai eu envie de revenir à mon texte, mais je n’ai pas réussi encore à trouver une voix, j’avais toujours dans l’idée un texte de première lecture et je crois que je ne sais pas vraiment faire ça.

 

Ce n’est que cinq ans plus tard, quand la scolarisation des enfants sans-papiers est revenue une énième fois dans le débat public, que le personnage de Dinah a trouvé sa voix, son regard et que le roman s’est un peu éloigné de son intention de départ pour explorer quelque de plus personnel. J’ai accepté que, comme certains sculpteurs préfèrent le bois au métal ou au marbre, mon matériau était l’adolescence, ce creuset où il est si facile d’allumer un incendie d’émotions. »

 

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