In Wonder en résidence

In Wonder en résidence

Après une semaine de résidence à Doëlan (29), le collectif In Wonder donne naissance au site éponyme. Il est évolutif et sera enrichi semaine après semaine.

 


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Le site In wonder 

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Les artistes In Wonder :
Johanna Schipper, Régis Pinault, Henri Lemahieu, Emmanuel Espinasse

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Les partenaires :
ADAGP – La copie privée – Frac Aquitaine – Écla Aquitaine – SAIF – médiathèque Robert Badinter (Clohars-Carnoet,29)

Medhi Belhaj Kacem

Medhi Belhaj Kacem

C’est dans le soir tombant sur la cité éternelle, quelque part en terrasse aux abords des berges du Tibre, que Mehdi Belhaj Kacem, romancier, philosophe et essayiste, nous a ouvert la porte sur ses lectures. Alors au travail à la Villa Médicis pour une nouvelle traduction des Triomphes de Pétrarque, il nous dit son rapport aux livres, aux mots et aux phrases, en nous donnant à entendre d’un parcours qui a fait de lui l’un des écrivains les plus marquants et les plus protéiformes de sa génération.

Propos recueillis par Romuald Giulivo

 

Alors que tu as passé ton enfance en Tunisie, dans quelle langue s’est faite ton entrée dans la lecture ?

Medhi Belhaj Kacem : Par le français, indéniablement. J’ai beau réfléchir, je n’ai pas de francs souvenirs de lecture en arabe. J’ai pourtant d’abord tout appris dans cette langue, puisque j’ai fréquenté le lycée ministériel tunisien jusqu’à huit ans. Mais à la maison, bien que vivant dans une famille biculturelle, on parlait essentiellement français. Et du coup, je suis entré dans la lecture de façon assez ordinaire, je crois, pour quelqu’un de ma génération. Pour moi, les livres, ça a été d’abord les bandes dessinées. Les classiques franco-belges comme Tintin, Thorgal, Spirou ou Gaston. Pourtant, si je relis régulièrement le travail de Franquin, que je considère comme un génie de premier plan, je ne suis plus trop ce qui se fait désormais dans le monde de la bande dessinée. Je sais toutefois qu’il s’y passe des choses importantes, qu’il s’y invente de nouvelles formes, de nouveaux enjeux – j’ai par exemple été très touché par L’Arabe du futur de Riad Sattouf, où j’ai reconnu beaucoup de mon enfance.

Après ça, au lycée français, il y a eu mon envie de faire du jeu de rôle, (Donjons et Dragons, L’Appel de Cthulhu, etc.) qui m’a amené vers d’autres univers, ceux de Tolkien, de Lovecraft ou la science-fiction. Sûrement Lovecraft a-t-il été ma première passion littéraire. Et puis il y a ce jour, vers mes douze ans, où ma mère – je me demande encore quelle mouche a bien pu la piquer pour avoir une telle idée – m’a offert Les Chants de Maldoror. Et là, évidemment, ça a été le vrai début de tout. Cela a de plus correspondu, je pense, avec mon retour à Paris – j’y suis né, mais en suis parti à l’âge de six mois – et aussi la pleine entrée dans l’adolescence, la découverte d’une musique sombre (The Cure, Joy division, etc.) et d’un cinéma en marge (Tarkovski, les premiers Lars von Trier, mais aussi pas mal de films gore.) Soit au final un ensemble d’influences et d’intérêts assez cohérent, une préoccupation très précoce pour le Mal, qui deviendra plus tard un de mes sujets en philosophie, pas du tout pour prolonger l’adolescence, mais plutôt pour la résoudre, pour en sortir.

Ton travail d’écriture a toujours fait se croiser roman et philosophie. Mais qu’en est-il de tes lectures ?

M.B.K. : La lecture de la philosophie est arrivée plus tard. Par le biais de Debord et des situationnistes, mais aussi, justement, d’auteurs comme Bataille ou Blanchot qui avaient un pied dans la littérature et un autre dans la philosophie. De toute façon, pour moi, la philosophie est un genre littéraire. La littérature, c’est tout ce qui s’écrit. La poésie, le roman, le théâtre, mais aussi la philosophie – quoi que puissent en dire les universitaires. Je n’ai en fait jamais établi un fossé entre les deux, tant dans mes lectures que dans mon écriture. Je me souviens à mes débuts, Jean-Hubert Gaillot, mon éditeur chez Tristram, m’avait fait une remarque très simple, mais que j’aimais bien. Il m’a dit : « Toi, tu penses par phrases. » Bref, tout ça, c’est avant tout de l’écriture. Il suffit de regarder le nombre de non-philosophes que les textes de Nietzsche – comme Ecce Homo par exemple – ont touché, renversé.

On n’est plus de toute façon à une époque comme celle de Blanchot, où l’on pouvait délimiter ce qu’il appelait un espace littéraire. Il sort trop de choses pour ranger, trier, catégoriser. Au final, mes lectures s’orientent selon d’autres considérations, des prémonitions. Aujourd’hui notamment, j’ai l’impression que quelque chose se joue dans les littératures de l’Est. Je pense par exemple à Kraznahorkai, au Vilnius poker de Ricardas Gavelis. Même Steve Tesisch, dont le Karoo est sûrement un des plus grands romans américains publiés ces dernières années, il est en fait né en Serbie.

Alors que tu as réfléchi et pratiqué, notamment à travers des revues, une certaine forme de communauté d’écriture, comment penses-tu que l’on puisse envisager aujourd’hui de partager la lecture ?

M.B.K. : Les aventures Evidenz, et un peu plus tard Tiqqun, m’ont surtout attiré en réaction à mon parcours. Je venais à l’époque de publier L’Antéforme, dont l’écriture éprouvante et solitaire m’avait donné envie d’autre chose. Je ne voulais pas devenir un écrivain misanthrope, demeurant seul dans sa caverne. J’ai eu besoin alors de rencontrer des gens, de faire et de vivre des choses à plusieurs. La philosophie était un prétexte parfait – ou peut-être devrais-je dire plus modestement la théorie, car je voulais juste au départ devenir théoricien, essayiste, comme Debord, Baudrillard ou le Artaud du Théâtre et son double, c’est ensuite seulement que je me suis pris au jeu de la philosophie. Cette période a été intense et très enrichissante, même si, bien sûr, comme toujours avec ce genre d’expériences, cela s’est plutôt mal terminé.

Après, concernant le partage de la lecture, c’est difficile de répondre, car j’ai longtemps détesté lire mes textes en public. Cependant, la pratique de la philosophie, à travers les conférences essentiellement, m’a permis d’apprendre à surmonter cette incapacité quasi pathologique. Je n’ai toutefois pas de soucis pour lire les autres. J’aimerais bien notamment profiter de mon séjour à Rome pour monter une lecture bilingue à partir de ma traduction de La Vita nova. Je suis fasciné par ce texte, sa première phrase me revient souvent. Comme plein d’autres débuts d’ailleurs, alors que bizarrement ce souci de l’incipit n’est pas présent dans mon travail d’écriture. Je me souviens du début des Chants de Malodor, celui des Confessions de Rousseau, du Panégyrique de Debord, du Journal du voleur de Genet, qui a d’ailleurs donné celui de Rose Poussière de Jean-Jacques Schuhl – livre que j’ai acheté à une époque par piles pour l’offrir à mes amis. Mais le début  de Vita nova… « En cette partie du livre de ma mémoire, avant quoi peu se pourrait lire, se trouve une rubrique, laquelle dit ceci : incipit vita nova. » Écrire quelque chose comme ça au XIIIe siècle, c’est époustouflant…

Romancier, essayiste et philosophe franco-tunisien, Mehdi Belhaj Kacem est l’auteur de plusieurs romans parus chez Tristram (Cancer, 1993, Vies et morts d’Irène Lepic…), ainsi que de nombreux essais dont L’Esprit du nihilisme (Fayard), Après Badiou (Grasset) ou Être et Sexuation (Stock).

Bibliographie sélective de Medhi BELHAJ KACEM :

L’Antéforme, Tristram

L’essence n de l’amour, Tristram

Artaud et la Théorie du complot, Tristram

Pour en savoir plus :

Extrait d’un cycle de conférences données à La Générale, Paris

Lauranne Quentric

Lauranne Quentric

Lauranne Quentric est illustratrice, principalement pour la littérature jeunesse. De l’album à la Science-Fiction, en passant par les contes et la mythologie, elle nous livre quels sont les auteurs et les livres qui occupent une place particulière de son enfance à aujourd’hui. C’est dans son petit jardin au cœur de Bordeaux, derrière la fenêtre de son atelier, qu’elle a choisi de nous recevoir.

 

Propos recueillis par Lucie Braud

 

Quels souvenirs as-tu de tes lectures d’enfance ?

Lauranne Quentric : Mes premiers souvenirs sont ceux de lectures d’albums. Je lisais les images pendant des heures. Plusieurs livres ont marqué mon enfance. Le Prince Pipo de Pierre Gripari est le premier auquel je pense. Le livre était illustré par plusieurs artistes. Les illustrations très surréalistes ne correspondaient pas forcément au texte. Chaque image racontait une histoire. Son intention au départ était qu’à la fin de chaque chapitre, il y ait une page blanche sur laquelle l’enfant pourrait illustrer l’histoire qu’il venait de lire. Il pouvait se laisser porter par plusieurs univers sans être tenter de reproduire un univers en particulier. Tous les livres de ce qu’on appelait « la littérature en couleurs », comme ceux publiés par Harlin Quinst ou Le Sourire qui mord m’ont profondément marquée.
Le plus vieux livre que je possède est Éléonore de Michelle Daufresne. C’est un livre sans texte et sans foisonnement surréaliste. Il est très linéaire. Je ne me souviens pas de ce qui me plaisait dans cet album mais je passais des heures à le regarder. Pareil pour les livres de Tomi Ungerer.
Petite, j’aimais beaucoup les livres. J’avais envie de lire aussi des livres sans images. Un des premiers romans que j’ai lu est Philippine de Daniel Meynard. J’ai ressenti une grande liberté, parce que je lisais seule, parce que les personnages n’allaient pas à l’école. Il raconte l’histoire d’une famille de cinq enfants, chacun né sur un continent différent. Le dernier enfant de la famille – Philippine –  peut voler. Les jeux de mots donnent un côté absurde à l’histoire. Il y a plusieurs notions de liberté dans la forme et le fond qui me plaisaient.
Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll me provoquait une véritable jubilation. Je me disais « C’est n’importe quoi mais c’est génial ! ». Cet univers me fascinait. Les illustrations de Dušan Kállay étaient sombres et délirantes. Alice sous terre aurait été un meilleur titre.
En 6ème, j’ai lu Lullaby de JMG Le Clézio. Ce livre a porté un désir de devenir écrivain ! Je voulais écrire un livre comme celui-ci. L’histoire est celle d’une lycéenne qui décide de ne plus aller à l’école. Elle va au bord de la mer et elle ressent l’effet que la mer produit sur elle, ses émotions. Lorsqu’elle revient à l’école, son professeur préféré lui demande si elle a fait un beau voyage. Suite à la lecture de ce roman, j’ai acheté un cahier dont j’ai illustré la couverture. J’ai écrit un début d’histoire. J’ai eu cette impulsion d’écrire. Et puis, j’étais une « grosse » lectrice et je me suis rendue compte que j’avais beaucoup d’histoires à lire et qu’il était compliqué d’en écrire.
Je piochais entre autres dans la bibliothèque de mes parents. Ce sont surtout les ambiances des histoires qui me donnaient envie de lire. Je lisais n’importe quoi sans chercher à lire quelque chose en particulier. Si un auteur me plaisait, je lisais ses autres livres. Certains thèmes m’attiraient – le départ, le voyage – pour comprendre quelque chose sur soi, qui nous sommes et ce que nous faisons là.
J’étais abonnée à la revue J’aime lire et je me souviens de l’histoire de Perle. Un été à Hossegor. J’avais une chambre d’enfant mansardée avec des fenêtres très basses qui donnaient sur la rue, à 300 mètres de l’océan. Perle vit sur une île et nage comme un poisson. Une nuit, elle va au bord de l’eau et se rend compte qu’elle a des branchies et qu’elle peut nager jusqu’aux abysses. J’avais 6 ans et j’ai fait comme Perle. Je suis partie la nuit pour aller nager dans les abysses. Je voulais partir à l’aventure. Je lisais beaucoup de romans sur la vie de tous les jours, sur la vie d’enfants du monde. C’était une autre façon de voyager.
Dans Les Aventures très douces de Timothée le rêveur (texte Paul Fournel, illus. Claude Lapointe), le lecteur suit en même temps une journée type de Timothée et ce qui se passe dans sa tête. Il s’imagine partir à l’école en moto ou qu’il est Zorro. Tout comme Timothée, j’aimais savoir que « c’est pour de faux » tout en me laissant la possibilité que « c’est pour de vrai ».

Quelle lectrice étais-tu adolescente ?

L.Q. : J’ai continué à lire tout ce qui me tombait sous la main. Mes parents avaient une collection incroyable de livres de SF des années 60 et 70. J’en ai lu beaucoup. C’est assez proche d’Alice au Pays des merveilles, dans l’approche philosophique de l’Être humain et de sa place dans le monde.
Au collège et au lycée, je lisais les lectures imposées dans les cours de français. Mais, j’étais habituée à lire ce que j’avais envie de lire et j’avais du mal à entrer dans ces textes.
Un peu plus tard, j’ai évolué vers les contes traditionnels et la mythologie. Je m’intéressais à ce qu’ils transmettaient. J’allais vers les textes fondateurs plus avec un regard d’enfant que celui d’une adulte en construction. Les contes et la sociologie des contes de fées prenaient beaucoup de place dans ma vie. Cet intérêt a motivé le choix de mes études. Ma maîtrise traitait des mondes imaginaires dans la littérature anglophone. Alice au pays des merveilles, Peter Pan, Bilbo le Hobbit… Une façon de revenir aux lectures de mon enfance.
C’est lors de mes études que j’ai lu Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad. Le thème ne m’intéressait pas. L’histoire d’un officier qui part au Congo, dans les colonies, sans en avoir envie et qui parle de l’âme humaine, de la part de noirceur que nous avons en chacun de nous. Je suis rentrée dans ce texte après en avoir rêvé et il a été une des lectures les plus marquantes de ma vie.
Mes dessins personnels rendent compte de ces thèmes et ces ambiances que j’aime chez ces auteurs : l’enfance, l’absurde, la cruauté. Les livres offrent la liberté de pouvoir dire ce que l’on veut par le moyen que l’on veut. Cela ne m’a pas empêché d’aimer Zola, Camus, Edgar Alan Poe ou Stephen King

Aujourd’hui, vers quelle littérature es-tu tournée ? Tes lectures ont-elles une influence sur ton travail d’illustratrice ?

L.Q. : Je lis beaucoup d’albums jeunesse et de bande dessinée. Je m’intéresse à nouveau beaucoup aux images. La bande dessinée est ce que je connais le moins. Je prends au hasard ou je demande à des amis de me prêter des livres qu’ils aiment.
Un temps je travaillais pour France Loisirs, dans le service éditorial en charge des traduction s anglophones. Je ne lisais plus que les livres proposés au comité de lecture, je passais mon temps à lire mais lire ainsi ne m’intéressait pas. Mes livres me manquaient. J’ai quitté ce travail, j’ai relu ma bibliothèque et redécouvert les textes. Ainsi, j’ai pris l’habitude de relire plusieurs fois les mêmes livres. C’est à ce moment par exemple que j’ai lu le Bison de la nuit de Guillermo Arriaga. Je l’ai lu plusieurs fois. Il parle de la folie. Un trio de jeunes de 20 ans  au Mexique. L’un des garçons se suicide et l’autre raconte la difficulté de survivre à ça. Il y a un travail d’introspection qui montre bien comment ces jeunes sont centrés sur eux, sur l’amour.
J’ai refait un cycle sur la littérature américaine en relisant Faulkner, Miller, des auteurs que j’avais survolés pendant mes études. Et puis, il y a des auteurs que j’ai découverts récemment : Chroniques de l’oiseau à ressort de Haruki Murakami par exemple. Je ne sais pas ce que je cherche mais un livre en appelle un autre. Je reviens à mes habitudes d’étudiantes, avec un système de lecture qui me plaisait et beaucoup de liberté.
Quant à la poésie, à part Aragon, je n’y étais pas très sensible mais elle me fascinait et elle me frustrait car je ne la comprenais pas profondément la plupart du temps. En maîtrise, mon directeur de recherches m’a fait découvrir William Blake et Les chants de l’innocence et de l’expérience où beaucoup des personnages sont des enfants. William Blake était graveur et peintre et illustrait ses recueils. Malgré l’enfance martyrisée qu’il dépeint, reste cette notion d’innocence qui prévaut. La poésie s’est ouverte à moi, quelque chose a cédé et j’ai lu ou relu TS Eliot, Emily Dickinson, Anthony Hopkins, Sylvia Plath…
J’aimerais mettre toutes ces influences dans mon travail. J’ai commencé l’illustration en répondant à des commandes. Quand j’ai commencé, je ne faisais pas de l’illustration pour faire des choses qui ne me plaisaient pas. Comme je suis autodidacte, je ne me sens pas forcément légitime dans le « métier » mais je suis nourrie de beaucoup d’univers esthétiques. Quand j’illustre un texte, j’ai envie que mes images proposent une autre histoire que celle qui est donnée par le texte. J’ai beaucoup de projets et de personnages qui attendent dans mes carnets.

 

L. Quentric consacre son temps à l’illustration, quelque part au cœur de Bordeaux.

Lauranne Quentric nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

Bibliographie sélective de Lauranne QUENTRIC :

C’est pas la même chose, texte Irène et Pierre Coran, éd. Mouck

Ti Moun dit non !, histoire contée par Praline Gay-Para, éd. Syros

Un ami, éd. Didier jeunesse

Les Fleurs de la petite Ida, d’après Hans Christian Andersen, éd. Mouck

Lecture au Domaine de Malagar

Lecture au Domaine de Malagar

Le vendredi 4 septembre 2015, Un Autre Monde présentait au Domaine de Malagar, maison de François Mauriac appartenant aujourd’hui au Conseil régional d’Aquitaine et gérée par le Centre François Mauriac de Malagar, une lecture à deux voix par Dominique Rateau et Romuald Giulivo.

Cette lecture venait clôturer une semaine de découverte du patrimoine aquitain organisée par l’ANNOR, association des notaires retraités de France. 
Il a été offert aux 60 participants une lecture insolite de textes peu connus du grand public:
– des extraits de l’entretien entre Eric des Garets et Jean Mauriac intitulé François Mauriac et Malagar, souvenirs de Jean Mauriac, issu de Mauriac Malagar publié en 1997 par le Centre François Mauriac de Malagar et les éditions confluences.
– des poèmes de François Mauriac tirés de L’Adieu à l’adolescence, publié en 1911.

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Un temps de lecture convivial dans un cadre d’exception pour redécouvrir l’œuvre de François Mauriac.

Amelie Sarn

Amelie Sarn

Amélie Sarn est romancière – adulte et jeunesse- scénariste de bande dessinée et traductrice. Elle s’est ouverte à Un Autre Monde pour partager les textes qui l’ont fait et la font écrivain. C’est dans son antre, au cœur de son atelier-bibliothèque en plein centre de Bordeaux qu’elle nous accueille et livre sa voix d’auteur.

Propos recueillis par Lucie Braud

 

Quels sont tes souvenirs de lectures d’enfance ?

Amélie Sarn : Il y a plusieurs livres qui ont marqués mon enfance et que je relis encore régulièrement. Mon Bel oranger de José Mauro de Vasconcelos (paru en France en 1971 chez Stock) est un livre qui transporte beaucoup d’émotions et d’images. J’ai découvert ce texte à l’âge de 7 ans et jusqu’à l’âge de mes 25 ans, je le relisais tous les ans. L’histoire de Zézé, ce petit garçon de cinq ans vivant dans les bas quartiers au Brésil m’a beaucoup fait pleurer. L’une des scènes qui m’a le plus marquée est celle où le petit garçon joue en s’accrochant aux roues de secours des voitures. Portugâ, un homme d’un milieu aisé qui se prend d’affection pour l’enfant, l’attrape et lui met une fessée mémorable. Finalement, de cette rencontre brutale, naîtra leur amitié. Dans un autre registre, Histoire du prince Pipo de Pierre Gripari (Grasset jeunesse, 1976) est le livre qui a fait que je suis devenue écrivain. Ce sont les aventures du Prince Pipo que l’on suit. Le premier récit qui m’a marqué raconte l’histoire d’une histoire. L’écrivain rêve d’une histoire qui prend la forme d’un oiseau. Endormi, il doit se lever pour écrire mais ne le fait pas et l’histoire disparaît car, au petit matin, l’écrivain l’a oublié. L’oiseau se pose sur son épaule puis s’envole ailleurs constatant que l’écrivain ne pense plus à lui. Il finit par revenir, amaigri et a peur de disparaître définitivement si celui qui l’a rêvé l’oublie. En réalité, l’écrivain cherchait l’oiseau, il cherche à se rappeler de son histoire rêvée. La seconde histoire s’appelle l’Histoire du menteur. Un petit garçon ne peut s’empêcher de mentir. Sa mère l’emmène voir une fée doctoresse qui a le pouvoir de rendre crédibles ses histoires. Plus tard, il devient écrivain. Cette histoire, je la raconte souvent dans les classes lorsque je suis invitée à parler de mon travail. Quant à l’histoire du Prince Pipo, elle évoque un monde où ce sont les enfants qui choisissent leurs parents. Ces trois textes de Gripari sont des textes fondateurs pour mon travail écriture et qui me ramènent à la lectrice que j’étais à 7 ans. Pourtant, il est difficile d’analyser comment ils interviennent dans mon écriture aujourd’hui. Mon Bel oranger est certainement le livre qui me ramène à mes émotions et qui m’a aidé à traiter les relations parents – adolescents dans mon livre Clairvoyance. Je pense aussi à d’autres auteurs et d’autres livres qui ont leur importance : Le Poney Rouge de Steinbeck, Ce jeudi d’octobre d’Anna-Greta Winberg (Hachette, 1979) et les œuvres d’Agatha Christie et de Roald Dahl. Ce dernier m’a ouvert de nouveaux mondes parce qu’il ne s’interdit rien dans l’écriture.

Comment ton adolescence a-t-elle été marquée par la littérature ?

A.S. : Adolescente, je n’ai pas arrêté de lire, j’ai toujours lu énormément, au minimum un livre par semaine. C’est à cette période de ma vie que j’ai découvert Colette. Elle me saisit encore par la précision de son écriture, son acuité et le réalisme de ses descriptions. Elle m’a tellement fasciné que j’ai lu toutes les biographies qui existent sur elle. Colette disait qu’il fallait éviter les points de suspension, que cela signifiait que l’écrivain n’avait pas trouvé le mot et qu’il fallait continuer à chercher. Elle a eu un impact fort sur ma réflexion et mon travail d’écrivain. J’ai découvert avec sa littérature plusieurs formes de sensualité : le plaisir de manger, de sentir, de séduire. Tout cela est très présent chez elle. Je n’ai pas vraiment de problème pour décrire les sensations mais j’ai de réelles difficultés à écrire les scènes d’amour et de séduction. J’aime écrire les sensations, par petites touches, comme faisaient les Impressionnistes. Le sentiment d’avoir vécu une scène et de réussir à la mettre en mots est l’aboutissement d’une transmission.
Ensuite, il y a un texte très important pour moi, un livre que je relis encore, Les Fous de Bassan (Seuil, 1982) de la québécoise Anne Hébert. Il m’a appris une nouvelle forme de narration. Chaque habitant d’un village raconte sa version d’une histoire. Chacun donne son point de vue. Quand on écrit, on entre dans la peau de quelqu’un mais cela ne se voit pas. On peut être qui on veut comme on veut. Ainsi, lorsque j’ai écrit Elle ne pleure pas, elle chante (Albin Michel, 2002), un livre qui parle de mon vécu, je pouvais sublimer la personne qui est en moi. Je n’ai pas eu besoin de raconter mon histoire, c’est une histoire que j’avais et que je pouvais raconter comme j’avais envie de le faire, en donnant corps un quelqu’un qui est à l’intérieur de moi, à une partie de moi.

Tes lectures sont très tournées vers la littérature anglo saxonne. Quelles sont-elles et quels liens fais-tu entre elles, ton travail d’écrivain et celui de traductrice ?

A.S. : Ma mère était professeure d’anglais, il y avait donc beaucoup de livres d’auteurs anglophones dans la bibliothèque familiale. Je lis toujours beaucoup de littérature américaine mais pas seulement car Dostoïevski est par exemple un de mes auteurs favoris. Dans la littérature américaine, je trouve le souffle, cette sensation de pouvoir parler de quelque chose d’extrêmement vaste. Jim Harrison me fait voyager très loin ; Donna Tartt développe une énergie phénoménale dans chacun de ses trois romans. Quant à John Irving, il n’a pas peur de raconter la vie d’un homme, d’avant sa naissance jusqu’à sa mort. Paul Auster, lui, commence par l’Expressionnisme abstrait avec sa Trilogie New-Yorkaise (Actes Sud, 1991) pour finir dans la littérature baroque avec une écriture réaliste à la Dickens (Mr Vertigo, par exemple). Ça me fait toujours penser au cheminement de Mondrian qui a commencé par peindre New-York avec forces détails pour en arriver à des carrés de couleur ; sauf qu’Auster a suivi le processus inverse. Le souffle qu’il amène ainsi et que je retrouve dans Mr Vertigo (Actes Sud, 1994) me fascine.
Le rapport à la littérature est très différent dans les pays anglo saxons. En France, soit la littérature a une image très noble et très haute, soit elle a une image très péjorative lorsque l’on parle de romans de gare. Aux Etats-Unis, écrivain est considéré comme un métier, et un étudiant peut suivre des cours de fiction créative à l’Université. On y apprend à « écrire » et c’est normal. En France, aborder la littérature par la « technique » d’écriture est péjoratif, pourtant, nous avons des écoles qui apprennent les techniques de dessin, de cinéma. Pourquoi n’aurions-nous pas ça pour la littérature ? Pour ma part, je m’impose des gammes le matin aux terrasses des cafés en décrivant les personnes autour de moi de plusieurs façons différentes et je sais que cela n’a rien d’inutile, que cela m’apporte dans ma façon d’écrire mes romans, mes albums ou les scénarios de bande dessinée. Un exercice, c’est également ce que je fais lorsque je traduis des romans et c’est ce qui me permet de gagner ma vie. Traduire, c’est écrire des choses que je n’aurai pas écrites. Je décortique l’écriture des autres pour les comprendre, retrouver l’intention de l’auteur. Je m’interroge sur ce que j’y vois, sur les filtres que je dois utiliser pour guider les lecteurs tout en respectant l’univers de l’auteur. Puis je mets en scène. Le traducteur est un auteur. Romain Gary écrivait aussi bien en anglais qu’en français. Pourtant, une fois, il a tenté de traduire l’un de ses propres textes et cela s’est avéré impossible, il n’a pas réussi. On ne peut pas raconter la même chose selon la langue que l’on parle. Alors, il faut faire au mieux.

 

 

© Jules Cantin

Amélie SARN consacre son temps à l’écriture et à la traduction, cachée quelque part dans les méandres du vieux Bordeaux.

Histoire du Prince Pipo, P. Gripari (lecture)

Polina, Bastien Vivès (Lecture & discussion)

Amélie Sarn nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

Bibliographie sélective de Amélie SARN :

Sacré-Cœur, 6 tomes, Le Lézard noir, 2011-2015 – album

Resurrectio, Seuil Jeunesse, 2014  – roman ado

Les Proies, collection Macadam, Milan, 2013 – roman ado

Clairvoyance, 2 tomes, J’ai lu, 2012-2013 – roman ado

Apolline et le chat masqué, Milan, Prix Tam-Tam 2010 – traduction

Nanami, 5 tomes, Collection Cosmo, Dargaud., 2005 – bande dessinée

Elle ne pleure pas, elle chante, Albin-Michel, 2002 – roman adulte
Adaptation en Bande dessinée, Delcourt, 2003
Adaptation cinématographique, un film de P. de Pierpont, Iota Productions, 2011.

Jean Harambat

Jean Harambat

Après Marie Cosnay, c’est Jean Harambat, dessinateur et scénariste de bande dessinée, qui nous a fait le plaisir de se joindre à nos voix d’auteurs. Nous l’avons retrouvé sur ses terres landaises, tout au bord des rives de l’Adour, où il nous parle de ses voyages au cœur des livres et nous donne à entendre de ses lectures.

 

Propos recueillis par Romuald Giulivo

 

Dans ton parcours de lecteur, qu’est-ce qui s’est imposé à toi en premier : le texte ou l’image ?

Jean Harambat : J’ai un souvenir très précis où je me revois, enfant, en train d’épeler les mots dans les bulles des albums de Tintin. Ou encore fouiller en secret dans le coffre où mon frère aîné dissimulait les albums de Corto Maltese, feuilleter ces pages en noir et blanc et m’arrêter sur ces femmes au long cou. Toutefois le goût de la lecture est avant tout venu par la littérature, par les histoires que l’on nous lisait le soir. Comme des séries historiques de la collection Rouge et Or, ou encore la mythologie.
Plus tard, lorsque je suis devenu autonome dans mes lectures, je puisais au hasard dans la bibliothèque familiale. J’ai grandi à la campagne, dans une ferme, mais il y avait chez nous beaucoup de livres. Mes parents entretenaient un grand respect pour la culture classique – un respect un peu  désordonné. Les romans de Stendhal côtoyaient une littérature plus anecdotique, comme Le Bossu de Paul Féval que j’ai pourtant lu et relu tant de fois. Je m’étais même procuré les continuations écrites par Paul Féval fils : Les Jumeaux de Nevers, Les Chevauchées de Lagardère… J’ai conservé pendant longtemps un goût prononcé pour les romans d’aventure, qui étaient aussi pour moi des romans initiatiques, une éducation de l’âme chez les meilleurs écrivains. J’avais le sentiment que ces livres étaient une fenêtre valable et apaisante sur ce qui m’attendait une fois adulte, derrière le paysage rural qui m’entourait.

Des années après, tes lectures demeurent-elles tournées vers les classiques ?

J.H. : Pour une grande part, même si j’essaie de ne pas lire que des morts. Le problème est évidemment le temps qui passe et la nécessité de faire des choix. J’ai besoin d’une littérature qui soit en quelque sorte un enseignement sur le lien humain, sur « l’homme nu » comme l’écrivait Simenon. Il y a comme un trésor de sagesse chez les grands écrivains, chez ceux qui ont su capter quelque chose de l’ordre de l’humanité commune. Et chaque fois que je suis tenté de lire une nouveauté, je ne sais pas si je vais trouver ça, si je vais recueillir ce grand profit.
Il m’arrive aussi de lire n’importe quoi !
Par ailleurs, nous sommes entre autres choses les paysages que nous fréquentons ; une certaine littérature de l’espace ne m’a jamais quitté. Je me souviens du coup de massue que fut la lecture des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, que notre ambitieuse professeur de français du collège entreprit de nous faire étudier. J’en entends encore le souffle. Tout comme la voix de Jim Harrison dont je lisais les « novellas », adolescent, et qui ne m’a jamais vraiment quitté.
Je me souviens d’avoir joué au rugby à Barcelone avec quelqu’un qui voulait devenir garde-champêtre et qui m’avait avoué sa passion pour Jim Harrison. C’était comme si nous avions découvert une appartenance commune à une société secrète.
Après, j’aime beaucoup quand les choses que je lis se croisent, se réunissent. J’aimais par exemple Une affinité véritable de Saul Bellow, et un jour je lis son dernier livre, Ravelstein, qui est un portrait d’un professeur de philosophie politique, Allan Bloom, lui-même disciple de Léo Strauss que j’étudiais au même moment. J’apprécie ce genre de coïncidences, qui probablement n’en sont pas, et qui me donnent l’impression d’explorer sans le savoir un territoire où les pensées s’imbriquent et se rejoignent.

Es-tu également un gros lecteur de bande dessinée ?

J.H. : J’en acquiers régulièrement, mais elle ne constitue pas l’essentiel de mes lectures. Je regarde évidemment ce qui se fait, j’ai la chance d’avoir un éditeur qui me montre des albums qui peuvent alimenter ma façon de faire de la bande dessinée. Mais il est vrai que, bien souvent, mes goûts et mes inspirations m’amènent ailleurs – ce contre quoi je ne lutte pas, me disant que si je peux amener un peu de cet ailleurs dans la bande dessinée, c’est tant mieux.
En vérité, la bande dessinée s’est construite en grande partie sur deux piliers : la bande dessinée pour la jeunesse, d’une part, et la bande dessinée de contre-culture de l’autre. Tout en reconnaissant les coups de génie d’Hergé ou de Robert Crumb, je cherche dans d’autres directions.
La culture classique, littéraire, demeure primordiale pour moi.
Les grands livres de littérature ont atteint indéniablement un cap d’universalité, pas forcément la bande dessinée. Mais la légèreté de la bande dessinée peut aussi être sa force, et lui permettre d’atteindre avec grâce des rivages inconnus. Il me vient à l’esprit que le capitaine Haddock cite Lamartine dans le Trésor de Rackam le Rouge !

 

Jean Harambat consacre son temps au dessin et l’écriture, quelque part sur les rives de l’Adour.

Jean Harambat nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

Bibliographie sélective de Jean HARAMBAT :

Ulysse, Éditions Actes Sud

En même temps que la jeunesse, Éditions Actes Sud

Hermiston, Éditions Futuropolis

Les Invisibles, Éditions Futuropolis

Pour en savoir plus :

https://vimeo.com/121120769

Ferdinand

Ferdinand

Lecture par Lucie Braud et Dominique Rateau, illustrée en live par AlfredFerdinand est une nouvelle de Lucie Braud, parue aux éditions In8, dans la collection Alter Ego dirigée par Claude Chambard

Ferdinand, nous le connaissons tous. Les plus chanceux l’ont rencontré dans la vie, les autres dans leurs rêves. C’est lui qui nous encourage, qui nous apprend sans rien dire, qui nous accompagne sans que l’on ait besoin de mots.

Lucie Braud raconte la vie de Ferdinand, un homme qui fut enfant, père, puis grand-père, à travers ses souvenirs ou ce qu’il en reste. Tel un album photo, elle juxtapose des instants qui bout à bout racontent l’histoire d’un lien entre deux êtres, une relation intense et pudique faite de silences et de regards.

Dominique Rateau et Lucie Braud ont travaillé ensemble pendant plusieurs années. Lire à deux voix est l’illustration de leur passion partagée et de leur relation singulière. Elles réinterprètent le texte en alternant les rôles, offrant à Ferdinand une tonalité douce, inscrite dans le temps qui s’écoule et qui bâtit les êtres.

Alfred, musicien et comédien depuis des années, s’embarque régulièrement dans des aventures théâtrales dessinées (Brigitte Fontaine et Areski – Yan Péchin – Hamid Ben Mahi – Le Glob Théâtre et la Compagnie Fracas). Pour Ferdinand, il prête l’élégance de son trait dans une fresque qu’il déroule au fil de la lecture.

Durée (30′)
Créée et jouée pour la première fois au Festival Regard 9 de Bordeaux.

 

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des spectacles

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

Ferdinand

Lecture par Lucie Braud et Dominique Rateau, illustrée en live par Alfred. Ferdinand est une nouvelle de Lucie Braud, parue aux éditions In8, sous la direction de Claude Chambard.

L’avventura

Un hommage à la chanson populaire et au cinéma italiens, mis en musique par Mari Lanera et Sol Hess, illustré en live par Laureline Mattiussi.

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L’avventura

L’avventura

Un hommage à la chanson populaire et au cinéma classique italiens, mis en musique par Mari Lanera (LDLF, Zero Branco) et Sol Hess (Sol Hess ans the Sympatik’s, Docteur Culotte, Sweat Like An Ape !), illustré en live par Laureline Mattiuissi (La Lionne, Glénat).

 

Originaire de Vénétie, Mari Lanera a découvert les chansons traditionnelles italiennes qui composent le répertoire de L’Avventura grâce à la chorale où chante sa grand-mère. La chef de ce chœur trévisan, Rosanna, s’est en effet livrée à un travail minutieux de musicologie en parcourant l’Italie afin d’enregistrer des chansons rares avant qu’elles ne disparaissent corps et âme avec leurs derniers interprètes, puis les a reprises à son compte avec ses chanteurs pour que cette tradition et ces mots perdurent.

C’est à son tour que Mari Lanera puise aujourd’hui dans ce répertoire avec l’aide de Sol Hess. Ces chansons mélancoliques pétries de dialecte locale, ces témoignages d’espoir des paysans et des petites gens, moments de grâce d’un temps révolu sauvés des eaux, trouvent dès lors une nouvelle vie dans des versions électrifiées et parfaitement contemporaines.

Durée (1h00)
Premières représentations : Bédéthèque des auteurs aqutains et Festival Regard9 organisés par l’association 9-33, salon du livre de Bazas, médiathèque du Haillan, I.boat.

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Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

Ferdinand

Lecture par Lucie Braud et Dominique Rateau, illustrée en live par Alfred. Ferdinand est une nouvelle de Lucie Braud, parue aux éditions In8, sous la direction de Claude Chambard.

L’avventura

Un hommage à la chanson populaire et au cinéma italiens, mis en musique par Mari Lanera et Sol Hess, illustré en live par Laureline Mattiussi.

Une approche pluridisciplinaire

Nous travaillons une dimension artistique qui exploite d'autres formes de langages pour donner accès à un plus large public. 

Marie Cosnay

Marie Cosnay

Marie COSNAY

Voix d'auteurs

C’est Marie Cosnay, écrivain et traductrice, qui nous fait l’honneur d’inaugurer cette nouvelle expérience. Nous l’avons retrouvée, à sa demande et avec grand plaisir, face à l’océan pour évoquer et donner à entendre une littérature vivante et en plein air. Elle partage ses souvenirs, ses émotions de lecture et, tandis que soudain le vent se lève comme un présage, elle réveille à nos oreilles et à nos cœurs des voix intemporelles.

Propos recueillis par Romuald Giulivo

 

Quels sont vos premiers souvenirs de lecture ?

Marie Cosnay : Plusieurs événements ont déclenché chez moi cet immense bonheur de la lecture. Le premier d’entre eux, c’est avec l’une de mes grands-mères – pas cette grand-mère adorée qui est dans tous mes livres, mais l’autre, celle qui était plutôt sévère et nous faisait peur. Elle avait grandi dans le patois – aujourd’hui on dirait l’occitan –, elle maîtrisait très mal le français qu’elle avait étudié à l’école dans la douleur et presque oublié. Pourtant, c’est elle qui m’a appris à lire. Je devais avoir cinq ans et elle m’a appris à lire dans un livre qu’elle avait tiré de la bibliothèque de mes parents. Ce livre c’était Les Fleurs du mal de Baudelaire, dont elle avait sélectionné plusieurs poèmes – notamment L’Albatros. Elle m’a ensuite accompagné dans les œuvres de la Comtesse de Ségur, notamment Le Général Dourakine, qu’elle a lu avec moi, comme j’ai pu lire des années après avec mon fils Harry Potter, chapitre après chapitre, parce qu’il était trop petit pour le lire seul.
Mon deuxième souvenir marquant, c’est à l’adolescence avec la trilogie de Robert Sabatier : Les Allumettes suédoises, Trois sucettes à la menthe et Les noisettes sauvages. Ce ne sont pas forcément de grands livres, mais à cet âge ma vie est triste, je suis en pension, je suis comme prisonnière chez les Ursulines, et soudain je me rends compte qu’on peut vivre dans d’autres temps, d’autres lieux, qu’on peut vivre dans et avec la littérature. C’est là que je me mets à écrire. J’écris la suite des histoires de Sabatier, je me cache sous mon lit et fuis l’horreur du collège en rédigeant des petites scènes, des monologues de personnages ou encore des réflexions sur certains passages des romans.
C’est environ à la même époque qu’advient un autre événement important pour moi. Mon oncle paternel, qui déménageait souvent, possédait une malle de livres qui le suivait partout. Sauf qu’un jour, à l’occasion d’un déménagement à Porto je crois, au lieu de trimballer cette malle, il me l’a fait envoyer. Je me suis donc retrouvée avec tous ses bouquins et je suis littéralement tombée dedans. Les Thibault de Roger Martin du Gard, toute l’œuvre de Mouloud Feraoun, mais aussi aussi Bakounine, Proudhon…
Enfin, le dernier souvenir fondateur de lecture passe par l’école. C’est en seconde que je découvre L’Écume des jours, grâce à une enseignante de français remarquable, et courageuse de nous présenter une telle littérature chez les Jésuites.

Aujourd’hui, de quels types sont vos rapports à la lecture ?

M. C. : Mon travail d’écriture se situe dans des champs assez spécifiques, mais mes lectures demeurent très diverses. Je lis beaucoup de romans policiers, j’adore la bande dessinée ou les œuvres destinées à la jeunesse. Si le fait d’écrire peut parfois perdre du sens – j’ai clairement eu des moments de vie où cela m’est arrivé, il n’en est rien je crois du fait de lire. Jusqu’à présent, j’ai toujours été soutenue par la lecture, et par ça (NLDR : Marie montre l’Océan en contrebas.) Toutefois, dans mon rapport aux livres, de petites choses se sont modifiées. Par exemple, ce n’est que depuis très récemment que je m’autorise à ne pas terminer un ouvrage. Il ne m’en coûte plus d’abandonner un mauvais livre, ou tout simplement un livre qui m’ennuie. Comme pour tout le monde, le problème est avant tout le temps. Mais cet ennui, que je ressens admettons-le de plus en plus souvent avec une certaine littérature contemporaine, m’interroge plus profondément. Les livres que je recherche aujourd’hui correspondent à un besoin d’air, je cherche une littérature capable de dire quelque chose du monde où l’on vit, tout en étant porté par un souffle – un souffle quasi épique. À ce titre, j’ai beaucoup aimé Viva, le dernier Patrick Deville paru à la rentrée. Mais ce sont aussi des qualités que je retrouve dans des œuvres qui me sont précieuses, comme celles de Ramon Sender ou Roberto Bolaño.

Est-ce aussi cette quête qui vous attire chez les auteurs antiques que vous fréquentez assidûment ?

M. C. : Tout à fait ! Pourtant ces auteurs, que j’ai d’abord découverts à l’école, ne m’étaient pas restés à l’époque. Comme tout le monde, à l’école je les ai trouvés chiants, fastidieux. Mais y revenir par la suite, et surtout dans la langue, cette langue qu’au final on ne connaît pas si bien puisqu’on ne la parle pas, on ne la transforme pas, a tout changé dans ma perception de leur littérature. En les traduisant, il se passe quelque chose d’indéfinissable entre cette langue mystérieuse et ma propre langue, comme l’invention « d’une langue du milieu. » C’est après mes études que je me suis mise à les traduire, juste avec l’élan, le plaisir. J’ai commencé par Médée, Antigone, puis les auteurs latins avec lesquels je suis finalement plus à l’aise. Et chez eux, je trouve beaucoup de ce que je cherche en littérature. Ce besoin d’air dont nous parlions, ce besoin de quelque de chose de grand qui nous parle d’une voix claire du monde, eh bien on l’a complètement chez ces auteurs anciens. Voilà. On l’a certes chez Jim Thompson, chez Bolaño, mais on l’a aussi chez Sophocle ou chez Ovide.

© Michel Durigneux

 

Marie Cosnay partage son temps entre l’enseignement et l’écriture. Au pays basque, et ailleurs.

Marie Cosnay nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

Bibliographie sélective de Marie COSNAY :

André des Ombres, Éditions Laurence Teper

À notre humanité, Quidam Éditeur

Le fils de Judith, Cheyne Éditeur

Villa Chagrin, Éditions Verdier