Régis Lejonc

Régis Lejonc

Pour ce 30 décembre 2018, avant le grand rush des préparatifs du réveillon, voici de quoi prendre une pause café et se détendre en écoutant la voix d’auteur de Régis Lejonc.

Voix d’auteurs est une rubrique animée par Un Autre Monde pour Éclairs, la revue numérique de l’agence Alca, agence du livre et du cinéma de la région Nouvelle Aquitaine.

 

 

 

 

 

 

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Régis Lejonc

Régis Lejonc

Régis Lejonc a été révélé par les éditions du Rouergue au début des années quatre-vingt-dix. Illustrateur, auteur, directeur de collection, il a réalisé plus de soixante ouvrages de littérature de jeunesse. Il partage depuis de nombreuses années l’atelier Flambant neuf, avec les auteurs Alfred et Richard Guérineau. C’est non loin de son atelier au cœur de Bordeaux, sur la place du Palais, qu’il nous parle de son rapport au livre et à la lecture.

Propos recueillis par  Lucie Braud

Quelle est votre lecture du moment ?

Régis Lejonc : En ce moment, je ne lis pas ou seulement des albums jeunesse. Depuis deux-trois ans, je lis quand je suis en vacances, c’est mon activité de repos, et je n’ai pas pris de vacances depuis deux ans. C’est pendant mes vacances que j’ai la disponibilité d’esprit pour la lecture. Le dernier livre que j’ai lu est le prix Goncourt, L’Ordre du jour d’Éric Vuillard, qui raconte l’orchestration de l’invasion de l’Autriche par Hitler et sa politique d’intimidation. J’ai lu égalementLe Garçon de Marcus Malte, il y a quelque temps.

Comment faites-vous vos choix de lecture et qu’attendez-vous des livres ?

R.L. : Ce sont les libraires qui me conseillent, je leur fais confiance. Et puis lorsque je rencontre des auteurs sur les salons et que je les entends parler d’un livre qu’ils ont aimé. Je ne suis jamais déçu. Il y a longtemps qu’un livre ne m’est pas tombé des mains. Je lis beaucoup d’albums jeunesse et j’en achète beaucoup. Moins qu’avant cependant, parce que je suis plus exigeant et je n’achète désormais que les livres que je veux avoir. Il faut que le livre me plaise intégralement. La dernière « claque » que j’ai eue, c’est Entre les ogres, de Thierry Dedieu d’après un texte de Gilles Baum. Cela parle de la parentalité. Un ogre et une ogresse découvrent un bébé humain sur le pas de leur porte. Ils l’élèvent, mais ne lui donnent pas à manger ce qu’ils mangent — parce qu’ils mangent des enfants. Peu à peu, l’enfant se sent exclu et les parents ogres décident de lui dire d’où il vient. C’est un livre stupéfiant.
Il y a aussi Un grand jour de rien, de Beatrice Alemagna, un chef d’œuvre. Une mère et son fils partent en week-end dans la maison familiale. Le jeune garçon part en promenade dans la nature après avoir perdu sa Gameboy. Après cette balade, son regard sur sa mère a changé. C’est un livre qui te laisse dans un joli état.
J’attends des livres puissants. Je ne veux plus me contenter d’un livre juste joli, je veux qu’il soit porteur de cette puissance. Dans Le Garçon de Marcus Malte, il y a parfois un peu d’ennui. Pour un tel livre, une puissance permanente est impossible, car le moment d’ennui permet la fin. J’aime aussi cela. Il y a aussi le roman d’Alex Cousseau, Le fils de l’ombre et de l’oiseau. J’aime énormément le travail de cet auteur. Ce roman est estampillé « jeunesse », mais il ne s’adresse pas qu’à la jeunesse. J’aime sa façon d’envisager la narration. Il n’y a jamais de méchants, ça n’existe pas chez Alex Cousseau ! C’est pourtant un roman d’aventures avec beaucoup de poésie, de magie, d’images. Ça m’a fait penser à Cent ans de solitude de Garcia Márquez. Il parle de transmission, de ces histoires que nous devons porter même si elles ne sont pas directement notre propre histoire.

 Comment vos lectures influencent-elles vos illustrations ?

R.L. : Mes influences viennent de l’image. C’est une sensibilité qui remonte à l’enfance. Il existe un livre déterminant pour chacun. Le Maître et Marguerite, de Mikhaïl Boulgakov a été un de ces livres déterminant pour moi lorsque j’ai eu dix-neuf ans. J’ai toujours en tête l’idée de pouvoir l’illustrer un peu à l’ancienne, comme au XIXe siècle. Ce livre a les ingrédients qui me plaisent : le fantastique poétique. Il y a une sorte d’étrangeté qui génère plus de la curiosité que de la peur. Après la Révolution russe, le diable arrive à Moscou sous la forme d’un homme. Il est magicien et il est accompagné d’un sbire à la chevelure rousse et d’un gros chat qui parle. Boulgakov a mis vingt-cinq ans à écrire ce livre et c’est une œuvre inachevée. Il a réussi à contourner la censure, à louvoyer. J’ai lu beaucoup de choses sur lui. Je pourrai mettre à ses côtés John Fante ou Garcia Márquez.
Il y a aussi une influence que j’ai retrouvée très tard. Cela fait parti des images traumatiques, celles qui marquent et pour moi, ce sont les images d’Ivan Bilibine. Je l’ai découvert lors de la réédition de contes traditionnels réécrits par Luda. Bilibine les a illustrés sous l’influence du courant Art déco russe. C’est un dessin somptueux, dans le trait, la mise en couleur. J’avais dix ans quand j’ai découvert son travail par le biais de ma grand-tante qui récupérait des livres. Je n’ai pas lu les contes, mais j’ai regardé les images. Le temps est passé et je les ai oubliées. Une fois devenu illustrateur, je suis tombé sur une réédition de Bilibine parue aux éditions du Sorbier. Cela a provoqué chez moi une grande émotion. Récemment, j’ai illustré un conte de Franck Prévot et j’ai « fait » mon Bilibine à ma petite échelle, ce que j’avais déjà fait pour le Bestiaire fabuleux (texte de Maxime Derouen, éd. Gautier Languereau). Bilibine a une justesse de l’image. Il était habité par les histoires qu’il illustrait.

Vos exigences de lectures engendrent-elles une exigence dans votre travail de création ?

R.L. : Je n’ai aucune prétention, mais il y a une chose que je sais : faire de mon mieux à chaque fois avec les moyens que j’ai sur le moment. Dans le champ artistique qui est le mien, j’ai l’impression que l’on progresse toute notre vie. Cela me fascine, car cela ouvre des possibles que je me serais interdits avant. Plus j’avance dans ma capacité à comprendre le dessin, plus j’avance vers ce dont je rêvais quand j’étais petit. Alors, je pourrais peut-être un jour illustrer un livre comme Le Maître et Marguerite. Ce qui m’empêcherait de le faire, c’est l’économie du livre. La réalité du métier est un peu triste, il y a des techniques de création qui ne sont plus rentables. Il faut se réinventer pour faire face à ce durcissement. Les grands rêves de création sont un peu enterrés à cause de ça. Et puis je ne fais que les projets que j’aime. Sans cette condition, je ne pourrai pas les faire. Il y a beaucoup de façon d’exercer notre métier, mais j’ai la prétention de participer à la littérature de jeunesse et non à un produit (ce qui n’est pas forcément péjoratif), c’est-à-dire que j’ai la volonté de faire des œuvres qui partent d’une envie d’un auteur pour arriver jusqu’au lecteur.

Quel pouvoir ont le livre et la lecture pour vous ?

R.L. : Mon rapport premier au livre reste — et ça l’était déjà quand j’étais gamin — la bande dessinée. À l’époque, ce n’était pas considéré comme de la lecture. Le livre est un support ultra puissant. L’objet, ce qu’il contient, est puissant, car la bulle que cela génère quand on est dans la lecture est unique. Quand tu es lecteur, tu es acteur parce que les images, c’est toi qui les produits. C’est une construction intérieure. Et je crois que les livres peuvent changer la vie de quelqu’un, son regard sur le monde et je suis très fier de pouvoir m’exprimer dans ce support. Aussi parce que les rencontres que provoquent les livres sont importantes et le public de lecteurs s’agrandit.
Les livres m’accompagnent dans ma perception de l’humanité. Quand on est lecteur, il y a quelque chose de l’ordre de l’éthique qui s’édifie. Cela se répercute sur notre façon d’être, nous sommes le résultat de nos lectures. Cela nous met dans un état de connexion avec le sens des mots, avec la pensée complexe, c’est un chemin. Pour moi, les rencontres scolaires sont très importantes, pas tant pour partager les livres que l’on aime, mais pour se dire que cela peut avoir des répercussions : les enfants comprennent qu’ils peuvent se nourrir eux-mêmes. Je crois sincèrement que les gens éloignés de la lecture sont plus facilement manipulables parce que la lecture permet inexorablement de développer le sens critique. Les livres ont une influence sur soi, sur nos émotions, c’est évident.

Régis Lejonc consacre son temps à l’illustration et au dessin, caché quelque part entre les ruelles de Bordeaux.

Régis Lejonc nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

Bibliographie sélective de Régis LEJONC :

Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes, texte de Franck Prévot, HongFeï Cultures, 2018

Tu seras ma princesse, texte de Marcus Malte, éditions Sarbacane, 2017

Cœur de bois, texte de Henri Meunier, éditions Notari, 2017

Kodhja, texte de Thomas Scotto, éditons Thierry Magnier, 2015

Ernesto à Hossegor

Ernesto à Hossegor

Le salon du livre d’Hossegor accueillait pour ses 20 ans la lecture dessinée « Raconte-nous, Ernesto », une création originale autour de l’album « Ernesto » de Marion Duclos, portée par un texte inédit de Romuald Giulivo.
Merci à la ville d’Hossegor, à l’organisation du salon, et tout spécialement à Anne Tautou pour ce moment.
(crédits photos : ville d’Hossegor)

Richard Guerineau

Richard Guerineau

En plus de son talent, sa plume alerte et son dessin au style vif, expressif, Richard Guérineau possède une bonne humeur débordante. C’est chez lui, entre deux allers-retours aux ateliers Flambant Neuf qu’il partage avec les dessinateurs Alfred et Régis Lejonc, qu’il nous reçoit pour nous inoculer son virus pour les livres et le dessin.

 

Propos recueillis par Romuald Giulivo

 

Qu’est-ce qui est venu en premier dans ta vie de lecteur : l’image ou le texte ?

Richard Guérineau : En réfléchissant aussi loin que mes souvenirs me portent, je dirais que les deux sont arrivés en même temps. Et par la bande dessinée, sûrement parce qu’il n’y a pas de hasard. Enfant, je forçais tous les soirs mon père à me lire les mêmes albums de Lucky Luke. Je ne savais pas encore déchiffrer, j’étais avant tout concentré sur l’image, mais si par malheur il sautait plusieurs bulles pour s’épargner, je le sentais et le rappelais à l’ordre. C’est vraiment la conjonction des deux, texte et images, qui m’a très tôt fasciné. La façon dont les cases s’enchaînent pour raconter une histoire, le mystère de ce mode de lecture au final très complexe qu’est celui de la BD, faisant appel à un dialogue entre les mots et les dessins. J’ai d’ailleurs très vite commencé à copier des planches pour tenter de comprendre comment ça fonctionnait et je l’ai fait jusqu’à mon bac, jusqu’à ce que j’entame des études d’arts plastiques – domaine où la bande dessinée est au mieux vue avec beaucoup de condescendance et au pire complètement dénigrée.

C’était quoi la bande dessinée que l’on pouvait lire lorsque tu étais jeune ?

Richard Guérineau : Dans mon cas, c’était surtout les grands classiques. Tout simplement parce que c’était ce que l’on trouvait au rayon BD du supermarché où je passais mon temps pendant que mes parents faisaient les courses. Gamin, j’étais complètement fan de Blueberry. Plus généralement, j’étais à fond dans le western. J’en regardais chaque mardi à la télé avec mon père, et je dévorais toutes les séries du genre : Blueberry donc, mais aussi Cartland, Mac Coy, etc. J’ai eu une longue période monomaniaque, j’étais fasciné par l’imagerie du western au sens large : non seulement les objets — les selles, les chapeaux, les pistolets, etc. —, mais aussi les couleurs, les lumières qui lui sont propres.

La prose est arrivée plus tard ?

Richard Guérineau : J’ai eu évidemment quelques passages obligés étant enfant, j’ai lu Le Club des cinq ou d’autres tomes de La Bibliothèque verte, mais on ne peut pas dire que ces livres m’aient laissé de grands souvenirs. Je suis réellement tombé en littérature à l’adolescence par le biais du genre. J’ai dévoré Lovecraft, j’ai dévoré Tolkien et aussi pas mal de polars. Je continue d’ailleurs à lire du genre aujourd’hui, mais je n’y suis pas enfermé, je peux me faire plaisir tant avec un bouquin de science-fiction qu’un bon roman intimiste. Je fonctionne le plus souvent par période. Si je découvre un auteur dont un titre me met une claque, je veux ensuite aller explorer le reste de travail et je peux ne plus en sortir pendant des mois, tant que je n’ai pas lu la quasi-totalité de son œuvre. Ça m’a fait ça avec Ellroy, avec McCarthy. Je suis très attiré par les pavés de 800 pages, dont la lecture vous aspire et qu’on retrouve chaque jour, chaque soir avec impatience. Je suis aussi un peu un teigneux, j’aime quand il faut s’accrocher. Étant un grand fan d’Alan Moore, j’ai par exemple lu les 1300 pages de Jérusalem sans en sauter une seule. Le livre est très complexe, certains chapitres sont écrits dans une langue presque phonétique, mais j’ai fourni l’effort et me suis laissé embarqué. Ça ne vaut pas les meilleures BD dont il a signé le scénario — From Hell bien sûr, ou encore Promethea que je tiens pour l’un de ses chefs-d’œuvre —, mais c’était un chouette voyage.

Toi qui as notamment adapté des romans, quel regard portes-tu sur les liens entre littérature et bande dessinée ?

Richard Guérineau : On essaie toujours de ramener la BD soit vers la littérature soit vers le cinéma, plutôt que lui donner un statut spécifique, celui d’une narration faite en même temps de mots et d’images. Nous avons en France une tradition culturelle encore très littéraire — beaucoup plus que dans les pays anglo-saxons. L’écriture en prose est chez nous sacralisée, quand la bande dessinée demeure — malgré ou peut-être à cause de son succès — cantonnée dans le domaine du divertissement. J’ai donc du mal avec cette question. Toutefois, force m’est de constater que, en vieillissant, je suis de plus en plus attiré dans mes lectures ou dans mon travail par une BD que l’on pourrait qualifier de plus littéraire, même si je n’aime pas ce mot. J’ai envie de sortir du format classique 46 pages, j’ai l’impression d’en avoir fait le tour et préfère des livres plus amples, des univers plus développés et où je peux m’immerger — en gros ce que l’on nomme aujourd’hui des romans graphiques même si, là aussi, je ne suis pas fan du terme.
Quand je fais des albums comme Charly 9 ou Henriquet, je réponds à des envies plus littéraires. Mais je demeure très attentif à un écueil dangereux en BD, celui de devenir verbeux. On parlait d’Alan Moore tout à l’heure et, sur cette question, son travail demeure pour moi une référence : à quelques exceptions près, il a su produire des ouvrages très écrits, mais avec le bon dosage entre mots et images.
J’ai l’impression d’être à une période de mon travail d’auteur où j’ai enfin digéré mes influences. Je cherche par la lecture des surprises dans d’autres univers, d’autres approches qui viendront peut-être alimenter mes futurs albums. Je dis peut-être, car je veille toujours à rester dans la position du lecteur, plutôt que celle qui consisterait à décortiquer toutes les œuvres qui nous passent entre les mains. Quelque part, le plaisir de lecteur importe avant tout le reste.

Richard Guérineau vit dessin et écriture, quelque part à la frontière bordelaise.

Richard Guérineau nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

 

Bibliographie sélective de Richard Guérineau :

Henriquet, l’homme reine, éditions Delcourt

Charly 9, (d’après le roman de Jean Teulé), éditions Delcourt

Après la nuit, (scénario : Henri Meunier), éditions Delcourt

Le chant des Stryges, (scénario : Éric Corbeyran), éditions Delcourt

Laurent Queyssi

Laurent Queyssi

C’est dans un recoin de la bordure galactique bordelaise, là où il a établi sa base et travaille nuit et jour à écrire ou traduire depuis l’anglais — romans, nouvelles, scénarios de bande dessinée — que nous avons soumis Laurent Queyssi au test de Voight-Kampff afin de faire parler ce boulimique de pop culture sur son rapport à la chose imprimée. Et les résultats sont forcément intrigants.

Propos recueillis par Romuald Giulivo

 

Comment a débuté ton chemin dans la lecture ?

Laurent Queyssi : J’ai lu avant même de savoir déchiffrer. Ça a débuté avec Les Aventures de Tintin, que ma mère m’achetait chaque dimanche, à peu près je pense à l’âge où j’ai perdu mon père. Et puis quand j’ai eu tous les albums, elle a continué avec les Astérix. Je me souviens d’ailleurs, lorsque j’ai vraiment su lire, j’ai été très déçu qu’Astérix ne soit pas le gros ; pour moi c’était lui le héros de ces histoires. Je suis donc venu à la lecture par l’image, et avant tout par la bande dessinée. C’est toutefois peu après cela que je suis arrivé aux romans — Jules Verne, la bibliothèque rose —, d’une façon ordinaire, plutôt banale et apaisée. Jusqu’à l’adolescence, où tout a explosé. Il y avait une petite bibliothèque dans la ville où j’habitais et j’ai découvert soudain un territoire inconnu à explorer, des auteurs de toutes les nationalités, des livres de tous les genres. Même si je me suis assez vite concentré sur un rayon en particulier, car je crois avoir lu en trois ans l’intégralité des ouvrages de science-fiction dont disposait la bibliothèque.

D’où te vient ce goût pour le genre ?

L.Q. : De l’école, indéniablement. En classe de cinquième, j’ai étudié Niourk de Stefan Wul, et cette lecture m’a profondément marqué. J’ai alors fouillé le CDI de mon collège pour découvrir ce qui pourrait s’en rapprocher, et je suis tombé sur une collection quasi complète de la revue Fiction [1]. J’étais évidemment trop jeune pour cette publication qui contenait des nouvelles très littéraires, très politiques, mais quelque chose dans ces textes m’a fasciné et ne m’a plus lâché. C’est plus tard, au lycée, que j’ai commencé à lire autre chose. J’ai lu Burroughs, j’ai lu Bukowski, c’est-à-dire tous ces romans qui fascinent les adolescents se piquant de littérature. Tout ce qui peut permettre de se démarquer, ces ouvrages qu’on se repasse quand on apprécie le rock — et il n’y a pas beaucoup de rock chez Flaubert, je le pressentais déjà et l’ai constaté une fois à la fac. Ma passion pour la littérature est clairement indissociable de celle que j’entretiens pour la musique. Je grandissais dans un désert culturel et nous étions à l’affût des disques, des livres, de tout ce qui pouvait nous apporter un peu d’air frais. Tout était lié. Les auteurs que nous lisions citaient des tonnes de groupes que nous allions écouter, et vice-versa. C’est ainsi je pense que je suis tombé sur Ubik de Philip K. Dick, et cela a changé ma vie. Vraiment, littéralement. J’ai découvert grâce à lui que la science-fiction ne se résumait pas à des histoires de vaisseaux spatiaux, j’ai réalisé que c’était plus dingue encore que tout ce que j’avais imaginé, ça pouvait être aussi de la grande littérature, ça pouvait puiser dans le mysticisme, la science, la philosophie… Dick ne m’a alors plus quitté. J’ai bossé sur lui à la fac, je viens de sortir une bande dessinée sur sa vie. Depuis toutes ces années, sa littérature ne cesse de me poursuivre…

D’être aujourd’hui traducteur et donc de lire en deux langues, cela a-t-il changé quelque chose dans ton rapport à la lecture ?

L.Q. : Je n’ai pas l’impression. Mis à part que je lis quand même encore, après toutes ces années, un peu plus lentement en anglais. Mais par exemple, j’aime toujours beaucoup lire des ouvrages traduits. Pour voir ce que font les autres, leur piquer des trucs. Il arrive bien évidemment des fois — sur certaines phrases, certains passages — où tu te dis que tu n’aurais pas fait les mêmes choix, mais rien ne permet d’affirmer que c’est toi qui as raison, et je trouve cela plutôt chouette. Ce n’est pas que tu pressens parfois des périphrases pour contourner des expressions idiomatiques de la langue source ; c’est plutôt le même sentiment qui parfois te saisit lorsque tu lis un auteur français et butes sur des tournures dont tu sais qu’elles ne sont pas dans ton registre d’écriture, sur des modes de récit que tu n’aimes pas employer. J’avoue ainsi ne pas comprendre ceux de mes confrères qui ne lisent plus de traduction. Je trouve que c’est se priver à la fois d’un plaisir simple et d’une réelle source de réflexion sur notre travail.

Est-ce au final la lecture qui t’a donné envie d’écrire ?

L.Q. : C’est surtout le fait de ne pas savoir dessiner. De vouloir faire de la BD, mais d’être tellement nul en dessin, d’avoir essayé pendant des années pour finir par me dire qu’il me fallait un autre moyen pour raconter les histoires que j’avais en tête. J’aimais tellement les histoires, toutes les histoires. Et surtout celles que je trouvais à l’époque dans des objets peu attrayants – ces Comics à couverture souple que j’achetais en maison de la presse, ces romans poche de SF aux couvertures improbables. Ces histoires-là, j’avais l’impression d’être le seul à connaître leur valeur, un peu comme certains récits des Pulps dans les années 30, ces magazines bon marché qui passaient alors pour de la sous-littérature, mais qui publiaient pourtant Chandler, Hammett, Lovecraft ou London. Du coup, mon travail d’auteur ressemble étroitement à mon parcours de lecteur. J’ai envie d’écrire de tout, partout. Tu apprends à écrire en lisant, et ce quoi que tu lises. Je me demande même à quel point tu n’écris pas pendant longtemps ce que tu as lu.

[1] Fiction est une revue de science-fiction française publiée pour la première fois en octobre 1953. C’est la revue française qui a connu la plus grande longévité dans le domaine puisqu’elle a compté 412 numéros avant de s’éteindre en 1990.

Laurent Queyssi consacre son temps à l’écriture, la traduction et la guitare, quelque part dans une galaxie lointaine, très lointaine…

Laurent Queyssi nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

 

Bibliographie sélective de Laurent QUEYSSI :

auteur

Phil, une vie de Philip K Dick, avec Mauro Marchesi (dessin), éditions 21g
Allison, éditions Moutons électriques
Comme un automate dément reprogrammé à la mi-temps, éditions ActuSF

traducteur

Normal, Warren Ellis, éditions Au diable Vauvert
Tous les oiseaux du ciel, Charlie Jane Anders, éditions J’ai lu
All-Star Superman, Frank Quitely, Jamie Grant, Grant Morrison, Urban Comics

 Pour en savoir plus :

http://laurentqueyssi.fr/site/

Tamara

Tamara

Lecture par Lucie Braud, mise en musique par Romuald Giulivo autour de l’album de la nouvelle de Marcus Malte 

LE LIVRE
Guyanaise, Tamara hérite d’une maison en métropole et se lance dans l’élevage de cochons. Elle est donc noire, étrangère au village et travaille comme un homme. Certains cerveaux malades ne le supportent pas. Sa seule amie, une gamine, doit se battre pour la fréquenter. Un matin, Tamara décide d’en finir avec l’oppression agricole.

Tamara, suite et fin par Marcus Malte, est paru dans la collection Polaroïd des éditions In8

LE SPECTACLE
Marqués tous deux par l’œuvre et le travail de Marcus Malte, Lucie Braud et Romuald Giulivo donnent à entendre leur voix par le filtre des mots d’une nouvelle dense, profondément noire, mais aussi lumineuse. Dans une intimité feutrée, guitare arrangée et lecture intimiste bâtissent ensemble une ritournelle entêtante sur l’altérité, la violence et l’amitié.

Durée : 45 mn
première représentation :  Chalet Mauriac (Saint Symphorien -33)

L’AUTEUR
Marcus Malte est né en 1967, pas loin de la mer. Depuis 1996, il n’a cessé d’écrire des histoires, noires pour la plupart, aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse. Une œuvre récompensée par de nombreux prix littéraires. Son dernier roman, Le Garçon (éditions Zulma) a reçu le prix Femina 2016.

Photo : © Mélanie Gribinski

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des spectacles

Batard

Lecture de Bâtard, nouvelle de Jack London, sur les illustrations de Cromwell pour son nouvel album de bande dessinée, accompagnée par Éric Thomas.

la comtesse

Lecture par Romuald Giulivo d’une nouvelle inédite autour du jazz, mise en dessins par Adrien Demont et Laureline Mattiussi, sur une bande-son composée par Cyril Touzé.

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

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Lovecraft

Lovecraft

Lecture par Romuald Giulivo autour de l’oeuvre de H.P Lovecraft, mise en dessin par Adrien Demont et en musique par Sol Hess

Howard Phillips Lovecraft (1890 – 1937) est aujourd’hui considéré comme le plus grand écrivain fantastique américain après Edgar Allan Poe. Auteur de nouvelles essentiellement, le reclus de Providence a imaginé à travers son œuvre un univers horrifique peuplé de créatures tout droit sorties de nos fantasmes nocturnes, une cosmogonie de dieux anciens et aveugles, que ses suiveurs et admirateurs nommeront plus tard le mythe de Cthulhu — du nom d’une de ses plus célèbres histoires.
Adrien Demont et Romuald Giulivo travaillant actuellement à un roman graphique sur les derniers jours de l’écrivain, et ils ont écrit en parallèle une lecture musicale et dessinée autour d’une de ses nouvelles les plus mystérieuses : Nyarlathotep. Ce texte raconte, sous la forme d’un rêve éveillé, l’arrivée dans une ville d’un étrange personnage, avatar cauchemardesque de Nikola Tesla, dont le discours et les troubles expériences scientifiques vont venir perturber l’ordre même de la nature…
Grâce à un dessin tout en ombres et lumière, auquel se mêlent les recherches musicales du guitariste Sol Hess, l’univers de Lovecraft sort lentement des ténèbres.

Durée : 45 mn
première représentation : Mairie de Bordeaux (33)

Durée (4

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des spectacles

Batard

Lecture de Bâtard, nouvelle de Jack London, sur les illustrations de Cromwell pour son nouvel album de bande dessinée, accompagnée par Éric Thomas.

la comtesse

Lecture par Romuald Giulivo d’une nouvelle inédite autour du jazz, mise en dessins par Adrien Demont et Laureline Mattiussi, sur une bande-son composée par Cyril Touzé.

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

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au fil du dessin

au fil du dessin

Au fil du dessin

installation de lectures

Installation de lectures autour de textes originaux de Lucie BraudCéline CuriolRomuald Giulivo et Elsa Gribinski, mis en dessins par Alfred, Adrien Demont, Marion Duclos et Lauranne Quentric

 

Dans le cadre de sa nouvelle édition, Paris Déco Off (rendez-vous des éditeurs et créateurs de la décoration internationale) a confié carte blanche à l’association Un autre Monde pour penser une installation de lecture intimiste avec l’aide d’artistes autour de leur vision de la couleur. Écrivains et illustrateurs se sont associés afin de créer quatre microfictions dessinées, quatre voyages originaux, drôles ou poétiques, dans un Paris fantasque et chamarré.

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Durée (4 x 6 mn)
français, anglais

Première présentation : Hôtel Drouot & hôtel de l’industrie, Paris Déco Off 2018.

 

Tous les films (français et anglais) sur :

https://vimeo.com/1autremonde

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Jean-Christophe Tixier

Jean-Christophe Tixier

Jean-Christophe Tixier est auteur d’une quinzaine de romans, de nouvelles et de fictions radiophoniques. Il partage son temps entre l’écriture et l’organisation d’Un Aller-Retour dans le Noir (Pau), salon dédié aux littératures noires. Il nous a reçus à Pau, dans son appartement face aux Pyrénées.

 

Propos recueillis par Lucie Braud

 

Vous souvenez-vous de vos premières lectures ?

Jean-Christophe Tixier : Le premier livre qui a créé des images dans ma tête, c’est Voyage au centre de la Terre de Jules Verne. J’ai compris que la lecture pouvait m’emmener très loin. Je me souviens également de Michel Strogoff dans la collection Rouge et Or. Quand nous accédions à cette collection, cela signifiait que nous passions un cap. Les romans d’aventures m’attiraient, Croc-Blanc, L’Appel de la forêt de Jack London m’ont marqué, mais Jules Verne a été une révélation et les images que j’ai fabriquées à l’époque sont encore là. La culture du livre à la maison, nous l’avions, mais elle n’était pas très développée ou disons, elle était assez normée. Nous avions la Bibliothèque Rose, la Bibliothèque Verte et la collection Rouge et Or et quelques San Antonio. Le tout tenait sur cinq ou six étagères. J’ai fait des découvertes littéraires à la bibliothèque du collège, comme Buzzati par exemple. Autant les romans d’aventure me donnaient l’impression de prendre le grand air, autant Buzzati m’a ouvert sur une autre fonction de la littérature : se réinterroger sur la place qui est la tienne, sur des sujets plus existentiels. Au lycée, j’ai découvert Hugo et Zola. J’aimais leur façon de dépeindre la société, cette littérature du quotidien, leur regard social et politique et la façon dont ils parlaient de la condition ouvrière. Cette découverte n’est pas étrangère au choix d’avoir fait des études d’économie. La part des sciences humaines et la part de l’individu, l’organisation de la société, les choix, les conséquences, c’est ce qu’abordaient ces écrivains classiques. Et mon écriture prend également source dans l’économie.

Comment ont évolué votre pratique de la lecture et vos goûts ?

J-C.T. : Je lis quotidiennement, mais je n’aime pas de genres en particulier. Je ne suis pas fan de thriller, de romans d’enquête ou nombrilistes. Comme je m’occupe du salon du livre Un Aller-retour dans le noir, je lis beaucoup de littérature noire d’auteurs français et américains, qui sont allés dans la rue et qui se sont posé des questions sur la société. J’aime les textes écrits et je lis à voix haute dans ma tête. Mon plaisir passe par le rythme, la sonorité des mots en plus des personnages et des sujets. Je lis souvent plusieurs livres en même temps. Il y a les livres du soir, les livres pour les transports. Il n’y a pas forcément de différence, mais ils ont une place particulière et c’est un rendez-vous avec chacun. En écriture, je suis également sur plusieurs projets à la fois. Je passe d’une case à l’autre, c’est une fonction que j’ai toujours eue. J’aime explorer des genres littéraires différents, en lecture et en écriture

Vous étiez professeur d’économie en lycée. Lisiez-vous à vos élèves des textes littéraires évoquant l’économie ou la sociologie ?

J-C.T. : Lire à voix haute n’est pas naturel pour moi. Je leur donnais des références, des ouvertures, mais lire, non, je ne le faisais pas. Je n’y ai jamais pensé. Je donnais des clefs de compréhension de l’actualité, des médias. Je ne me sens pas légitime pour lire des textes à voix haute, cela peut m’arriver lors de rencontres, mais je ne suis pas sûr d’être passionnant.

 

Vous écrivez, entre autres, des romans de littérature jeunesse. Est-ce important pour vous de faire aimer la lecture aux jeunes ?

J-C.T. : Ce que j’aime dans ce que permet l’écriture, c’est la rencontre avec les jeunes. La place du jeune et l’intérêt que nous lui accordons retranscrivent un rapport à la jeunesse compliqué en France. Ce que nous renvoyons aux jeunes, c’est « fais tes preuves et on en reparlera ». Tant que je peux, j’écrirai pour les jeunes. Il y a tellement de problématiques auxquelles ils doivent faire face, il faut leur transmettre, les accompagner, et la littérature y participe. J’estime avoir mon rôle à jouer à travers ce que j’écris. Les années collège sont des années charnières dans la construction de l’individu et les rencontres avec des auteurs y sont très développées. Au sein du salon Un Aller-retour dans le noir, nous organisons plus d’une cinquantaine de rencontres scolaires, ce qui représente environ mille cinq cents jeunes. Les plus belles choses que je puisse entendre à ces occasions, ce sont des phrases telles que « c’est la première fois que je lisais un livre jusqu’au bout » ou les témoignages d’enseignants qui constatent que, suite à la rencontre avec l’auteur, les jeunes vont au CDI. Cependant, écrire et participer à des rencontres, ce n’est pas le même métier. Écrire n’implique pas que nous devions labourer le terrain derrière, c’est un travail qui est fait par les médiateurs que sont les bibliothécaires, les enseignants. Mais en ce qui me concerne, j’ai besoin de ce contact avec les jeunes.

Pensez-vous qu’il faille rencontrer l’auteur pour rencontrer l’œuvre ?

J-C.T. : La notion « j’aime lire / je n’aime pas lire », je pense que c’est une connerie. Avec la musique, en écoutant les quinze premières secondes, on peut dire si on accroche ou pas. Mais la lecture demande un effort. Si on n’a pas d’images, pas d’émotions, on peut poser le livre et ce n’est pas parce qu’on n’aime pas lire. C’est que l’on n’a pas encore rencontré le livre qui nous a procuré des émotions. En littérature, il y a autant de genres qu’en musique. Avant même de rencontrer une œuvre, il faut s’interroger sur ce qu’est la lecture. Les lettres sont un code qui permet de passer de la tête de l’auteur à celle du lecteur. L’acte de lire fabrique des émotions et pour certains gamins, c’est une découverte absolue. Créer des émotions, cela demande certaines exigences, sortir d’un rapport binaire au monde. Lire est une expérience de vie, elle peut être agréable, désagréable, remuante. C’est vivre ce qu’on ne peut pas vivre dans la vraie vie.

Quelle différence faites-vous entre l’écriture et la lecture ?

J-C.T. : Mon rapport à l’écriture est lié à mes études scientifiques. Je n’étais pas bon en français et pas à l’aise en rédaction. J’ai compris très tard ce que signifiait « écrire ». Lorsque j’anime des ateliers d’écriture avec les jeunes, je leur donne trois phrases: faire vivre / écrire / améliorer. L’acte d’écrire est un codage, les choses doivent exister préalablement. Ce qui est compliqué, c’est d’être avec un stylo et d’être face à ses propres difficultés, d’être dans l’évaluation. Si écrire est traduire ce que l’on vit, je leur fais fermer les yeux pour qu’ils explorent une image et ses émotions. Cela montre ce qu’est la lecture. Les rencontres m’intéressent en cela, parler d’écriture et de lecture comme un acte possible pour chacun, sans faire croire que c’est un acte magique. Cela leur demande de la concentration. Les lectures influencent la façon d’écrire, c’est évident. Mon codage est une question de rythme qui est proche de ce que j’aime comme lectures. Les deux se rencontrent. Mon prochain livre est un livre pour adulte. C’est une grande satisfaction pour moi, car j’ai suivi ma sonorité, mon rythme. Le genre vers lequel tu vas dicte des choses. Là, je n’ai pas tenu compte du genre pour trouver ma voix.

Comment choisissez-vous vos lectures ?

J-C.T. : L’échange est important. J’écoute beaucoup les autres parler de ce qu’ils ont aimé. Mon compagnon est un énorme lecteur, il sait ce que j’aime et m’oriente beaucoup. J’y vais aussi à tâtons, pour explorer. Certains sujets me passionnent, mais je n’hésite pas à abandonner un livre s’il m’ennuie. Les rencontres avec les auteurs font aussi mes envies de lectures. J’anime un Café polar à la bibliothèque de Pau et lors de ces échanges, nous croisons nos goûts, cela permet d’aller sur des champs que nous n’aurions pas explorés seuls. Ces partages sont possibles parce que des gens ont en envie. C’est une histoire de rencontres.

Jean-Christophe Tixier a écrit une quinzaine de romans dans des genres et pour des âges différents. Il est aussi l’auteur de nouvelles et de fictions radiophoniques qui ont été diffusées sur France-Inter. Il partage son temps entre l’écriture, l’organisation à Pau d’un salon dédié aux littératures noires, intitulé Un Aller-Retour dans le Noir, et les voyages.

Jean-Christophe Tixier nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

 

Romans jeunesse

Dix minutes à perdre, Souris Noire, Éditions Syros, 2015

Traqués sur la lande, Rageot Roman, Éditions Rageot, 2016

Demain il sera trop tard, Éditions Rageot, 2017

Pièces radiophoniques

Sous le papier, la rage, Dramatique, Diffusion France Inter, 2014

William et Harry, Dramatique, Diffusion France Inter, 2015

Casino fatal, Dramatique, Diffusion France Inter, 2015

Bibliographie sélective de Jean-Christophe TIXIER

Pour en savoir plus :

http://www.jeanchristophe-tixier.fr

Roman adulte

Dernière station, Éditions LNA, 2010.

Nouvelles

La Rosalie, Éditions Atelier In8, 2007.

Porte Sud, Éditions Atelier In8, 2007.

Copains comme cochon, Éditions Atelier In8, 2017.

Patrice Luchet

Patrice Luchet

C’est à Agen que le parcours de lecteur de Patrice Luchet a commencé. Patrice Luchet, auteur et enseignant, lit partout, beaucoup, à voix haute, seul, avec d’autres auteurs, avec le public, pour tout le monde. Il nous a reçu dans sa salle de classe du collège Jules Ferry de Mérignac (33) pour nous offrir sa voix d’auteur, une voix passionnée, atypique et généreuse.

Propos recueillis par Lucie Braud

 

Quel est votre premier souvenir de lecture ?

Patrice Luchet : Je viens d’une famille où il n’y avait pas beaucoup de livres, seulement des éditions France Loisirs reçues tous les mois. Ce n’étaient pas des livres choisis. Je me souviens de titres, La Dentellière, ou d’auteurs, Pagnol, Labro, mais cela ne m’attirait pas. Il y avait une collection liée à l’encyclopédie Tout l’univers que je feuilletais pour les images, les cartes. Et puis, il y avait des livres d’auteurs russes que mes parents disaient ne pas être de mon âge, ce qui était donc très attirant. J’avais onze, douze ans quand j’ai lu Dostoïevski et Gogol. Je ne comprenais rien, mais les personnages étaient envoûtants. Cela parlait de la mort, d’alcool et c’était très étonnant pour moi qui avais une vie très policée.
Au collège, je lisais les grands classiques. J’aimais le théâtre de Camus. Ces textes courts me semblaient plus faciles d’accès. Petit à petit, j’ai trouvé dans la lecture, des femmes et des hommes puissants qui me donnaient une image idéalisée de l’être humain : Électre, Andromaque, Antigone… Leur vie contrastait avec ma vie très resserrée dans mon cocon familial. Mais depuis tout petit, j’écrivais des textes pour ma maman comme « je t’aime maman », « le ciel est bleu », je me rendais compte que c’étaient des textes poétiques et je les lisais à ma mère, comme un cadeau.

À quel moment avez-vous plongé dans la littérature ?

P.L. : Le basculement vers la littérature s’est fait à la bibliothèque d’Agen. C’était à l’époque une bibliothèque peu fournie, avec une vision passéiste idéalisée. Et puis un jour, dans le rayon adulte, je suis tombé sur Howl Kaddish d’Allen Ginsberg, un roman avec, sur la couverture, un homme nu et barbu. Je l’ai volé. J’avais treize ans, et un mec à poil sur un livre, cela me faisait rire tout en paraissant très transgressif. Je ne pouvais pas me permettre d’aller à la banque de prêt à cause de cette image, je ne voulais pas que l’on sache ce que je lisais. Je ne voulais pas être vu avec ce livre. Je l’ai lu, et c’était monumental à cause de la transgression qu’il représentait. J’ai découvert que l’on pouvait lire des auteurs qui n’étaient pas français, que l’on pouvait tout lire, qu’il y avait des textes avec des anaphores, des répétitions, qu’il y avait des textes qui sonnaient. Une énorme porte venait de s’ouvrir. Je me suis mis à chercher de la poésie et j’en ai parlé à mon professeur de français pour savoir ce qui existait. Mais je n’ai découvert alors que des auteurs morts. Quatre ans plus tard, j’ai rapporté le livre à la bibliothèque, par culpabilité. Mais encore trois ans plus tard, je suis revenu et je l’ai revolé parce que c’est un livre fondateur pour moi, et que je devais le posséder.

De la lecture à l’écriture, comment la transition s’est-elle faite ?

P.L. : Quand j’étais étudiant, il y avait une professeure de littérature, Maïalen Lafitte, qui organisait la venue d’auteurs dans ses classes et moi, de mon côté, j’organisais des rencontres devant l’amphi 700 de l’Université Michel de Montaigne de Bordeaux avec des danseurs, des musiciens, des auteurs qui étaient des amis. Un jour, elle m’a annoncé qu’elle allait accueillir Julien Blaine. Je suis allé à cette rencontre et j’ai découvert un type monstrueux, dans l’excès, dans la démesure. Son œuvre, c’est littéralement sa vie. Julien Blaine parlait d’auteurs que je ne connaissais pas, du tragique, de la politique et, il a proposé aux étudiants de faire des choses avec lui. Je me suis manifesté, il m’a invité à la Prévôté (résidence de création organisée par l’agence Écla Aquitaine), nous avons travaillé tout l’après-midi et nous avons fait une lecture publique ensemble. Il y a eu une grande complicité entre nous et sa générosité m’a marqué. Je suis parti à Marseille avec lui. Je suis resté une semaine chez lui puis une semaine en résidence au CIPM (Centre international de poésie Marseille). J’ai pu avoir accès à la bibliothèque du CIPM et à celle de Julien Blaine. Il m’a présenté Nicolas Tardy, Pascal Poyet et d’autres auteurs avec qui je travaille aujourd’hui.
L’acte d’écrire est très lié pour moi à la lecture. Quand mon texte est écrit, je le lis à voix haute et je l’enregistre. Le lendemain, je refais l’enregistrement à partir de ma mémoire, pour voir ce qui reste du texte. Je réécris alors à partir de là, je reprends le texte d’origine et réintègre ce qui me convient. Le lire à haute voix me permet de voir si le texte sonne. Si ce n’est pas le cas, je le jette. La poésie est une écriture naturelle pour moi qui suis un matheux. J’y retrouve une organisation mathématique, la géométrie, l’algèbre. Elle permet de me libérer sur ce que je veux raconter.

Pourquoi lire à voix haute et quel engagement cela représente-t-il ?

P.L. : Tous les textes que j’écrivais, je les lisais à ma mère dans la cuisine parce qu’elle était occupée. Cela nous permettait de passer du temps ensemble et cela a forgé notre lien, ce même lien que je retrouve avec le public. Je propose très souvent à des auteurs et au public de lire avec moi. J’aime offrir cette liberté de choix. Cela crée des lectures vivantes et sincères.
Écrire est un engagement, une façon de dire le monde comme le fait Arno Bertina quand il parle de choses qui le scandalisent. Mais l’écriture est également une exploration de la langue comme ont su le faire Joyce ou Proust.
La lecture est un engagement très politique. Avec le collectif Boxon (Gilles Cabut, Cyrille Bret, Julien d’Abrigeon), nous sommes au cœur de cet engagement. Nous avons une culture dadaïste, une culture de l’événement où nous saisissons l’occasion de la lecture. Oser lire dans un espace public comme un bar, dans des espaces de vie. Lire a un sens politique : nous lisons dans la cité, dans la ville, dans des espaces qui ne sont pas dédiés à la lecture. J’aime particulièrement lire dans les collèges, les lycées, les universités, car les élèves ne sont pas habitués à ça. Je m’agace souvent de l’élitisme que l’on attribue à la poésie, comme si la poésie était une langue compliquée, pas accessible à tous. Mais la poésie parle de notre vie. J’écris en ce moment sur les services de l’État. Je m’intéresse aux personnels soignants, à leurs passions, leurs joies, la dureté de leur travail et aux instants de complicité qu’ils vivent. Je pars de leurs récits, du réel pour créer la fiction. Je mène un travail similaire sur les réfugiés, sur la façon dont l’État se comporte pour les accueillir.

Comment et que lisez-vous en public ? Comment faites-vous le lien entre la poésie que vous écrivez et les romans que vous lisez ?

P.L. : Je ne me sens pas légitime pour lire d’autres textes que les miens. J’intègre toujours l’intervention du public et je ne fais jamais de long tunnel de lecture, je lis toujours de petits textes. L’association de courtes lectures tisse une lecture. J’aime quand ces textes bougent et se percutent. Pendant l’Escale du livre de Bordeaux, j’ai eu une carte blanche pour organiser avec Carole Lataste une soirée lecture. J’ai fait se croiser des auteurs de poésie, de romans, de sociologie, d’anthropologie, de bandes dessinées et ces croisements ont permis de recréer une parole. Toutes ces expériences, expérimentations de lectures me permettent d’explorer le texte poétique et parfois d’écrire des textes pour deux ou trois voix, le plus souvent avec mon complice Julien d’Abrigeon. Lire avec Julien est en soi une expérience sonore qui pousse à dépasser les limites du texte. D’ailleurs, quand j’ai rencontré Julien Blaine, je n’ai respiré, lu et écrit que de la poésie. C’était une sorte d’enfermement. La réouverture vers le roman, je l’ai eu avec les conseils de lecture de Claude Chambard et avec son livre La Vie de famille. J’ai découvert les polars de J.P. Manchette, les personnages démesurés de Harry Crews qui évoluent dans des situations tragiques avec humour. J’ai trouvé une liberté chez Jean Echenoz dans Un An (éd. de Minuit), qui s’amuse avec le lecteur sans se jouer de lui. Chez Charles Reznikof, Holocauste et Stewart O’Nan, Un Mal qui répand la terreur (éd. de l’Olivier), j’ai découvert que langue et histoire, exploration et narration peuvent être liées. Dans La bouffe est chouette à Fatchakulla de Ned Crabb, le récit oscille entre le tragique et le comique. Mes textes sont dans cet état d’esprit. Même si Funky Collège est classé en poésie, ce sont des petites histoires où les prénoms sont importants parce qu’ils donnent du récit : « Fayssal » ne raconte pas la même chose qu’ « Arthur ». Et la part de narration permet de rendre le texte accessible.

Comment et que lisez-vous en public ? Comment faites-vous le lien entre la poésie que vous écrivez et les romans que vous lisez ?

P.L. : Je lis tous les soirs, la lecture du soir est nécessaire. Je lis le matin très tôt, assis à une table avec un cahier et un stylo. Un mot, un rythme peuvent déclencher une idée et l’écriture. Au collège, je ne force pas mes élèves à lire, mais je leur parle beaucoup de lecture. Je leur lis des extraits de mes propres lectures. Je partage cela avec eux pour les inciter à comprendre. Je leur donne des références pour les aider à écrire. Je leur montre des choses que je vois, des expositions, des vidéos. Ma préoccupation est qu’il se passe quelque chose de tellement fort entre nous grâce à la lecture qu’ils s’en souviendront et qu’ils reviendront vers le livre.

Patrice Luchet vit et travaille à Bordeaux. Depuis vingt ans, il écrit de la poésie destinée principalement à des publications orales.

Les photos ont été prises au domicile de Patrice ainsi qu’à la bibliothèque de Bordeaux Mériadeck, à qui nous adressons nos sincères remerciements.

Bibliographie sélective Patrice LUCHET :

Offrez des pissenlits, Contre-pied

Le sort du parasol, Série discrète

Funky collège, éditions Moires

Laureline Mattiussi

Laureline Mattiussi

matiussi Laureline

Laureline Mattiussi est une autrice de bande dessinée née à Nancy en 1978.
Arrivée dans le paysage de la bande dessinée avec L’Île au poulailler(Glénat/Treize Étrange, prix Artemisia 2010), une histoire de piraterie entre hommage au genre, fable sans réelle morale et réappropriation ironique, servie par les couleurs d’Isabelle Merlet.
Elle réalise ensuite La Lionne (Glénat/Treize Étrange) sur un scénario de Sol Hess, un récit onirique et violent, bercé par des vers de Catulle, avec pour toile de fond les eaux fangeuses de la Rome Antique rongée par la peste.

Avec Je viens de m’échapper du ciel (Casterman), une adaptation de nouvelles noires de Carlos Salem, elle livre son goût pour un dessin en noir et blanc, tout en ombres et en lumière. Son dernier livre, Cocteau, l’enfant terribleest sorti en septembre 2020 aux éditions Casterman.

Laureline Mattiussi collabore depuis une dizaine d’années avec de nombreux musiciens, comédiens et auteurs pour des spectacles dessinés. En 2020 et 2021, elle a exposé une quarantaine d’œuvres dans la collection permanente du musée de la musique de la Philharmonie de Paris.

Lire aussi l’article de Voix d’auteur sur Laureline Mattiussi

Bibliographie sélective :

  • Cocteau, l’enfant terrible, Casterman, 2020.
  • Je viens de m’échapper du ciel, Casterman, collection Écritures, 2016.
  • La Lionne, livre 1 (Pedicabo ego vos et irrumabo) et livre 2 (Odi, amor et excrucior). Scénario de Sol Hess, couleurs d’Isabelle Merlet. Treize Etrange/Glénat, 2012 et 2013.
  • LÎle au poulailler, tome 1 et 2. Couleurs d’Isabelle Merlet. Treize Etrange/Glénat, 2009 et 2010. Prix Artemisia 2010, sélection officielle du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2010.
  • Petites hontes enfantines, La Boite à Bulles, 2006.

 


http://laurelinemattiussi.blogspot.fr/

Aparté : Un entretien privilégié avec Geneviève Brisac

Aparté : Un entretien privilégié avec Geneviève Brisac

Un Autre Monde a le plaisir depuis peu  de collaborer à la partie magazine du site Houzz.fr, où sont interrogés des écrivains ou dessinateurs autour de leur rapports à leur intérieur, comment leur écriture influence leur lieu de vie et vis-versa.
Le bal est ouvert avec l’admirable Geneviève Brisac, dont le dernier roman (Vie de ma voisine, Grasset) commence justement sur son aménagement dans son nouvel appartement…

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Nyarlathotep

Nyarlathotep

Une aventure ludique vers la lecture

Atelier découverte de l’oeuvre de Lovecraft par Romuald Giulivo. Concert de lecture dessinée, illustré en live par Adrien Demont , mis en musique par  Sol Hess.

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Beaucoup des formes ludiques aujourd’hui en vogue (jeux vidéo, jeux de plateau, jeux massivement multijoueurs, jeux en réalité alternée…) et de supports de créations connexes (films, séries télé, etc.) puisent leurs matières premières dans des œuvres littéraires. Or parmi ces formes, il en est une qui doit plus que les autres, de par sa nature et de par son fond, à la littérature : le jeu de rôle.
Sorte de conte collectif où les joueurs, à travers des personnages fictifs et avec l’aide d’un meneur de jeu, racontent et vivent une fiction, le jeu de rôle s’est beaucoup fondé sur des univers littéraires de l’imaginaire classique (J.R.R. Tolkien, H.P Lovecraft, P.K. Dick, etc.).
À travers une initiation à cette activité de récit, auquel peut s’ajouter une lecture dessinée et musicale, Un Autre Monde propose d’inviter à la lecture d’un auteur majeur de l’imaginaire : Howard Phillips Lovecraft.

 ***

L’action se découpe en deux ateliers de 2h et une performance de 25 mn. (voir le descriptif complet pour plus de détails) Elle a notamment était menée au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.

 


VIDEO NON ACCESSIBLE

VIDEO NON ACCESSIBLE

des chaperons rouges… et une chaise

des chaperons rouges… et une chaise

Des chaperons rouges... et une chaise

conte musical petite enfance

Un conte pour enfants par la comédienne Mahalia Cailleau, mis en musique par Teddy Costa.

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Comédienne et conteuse, Mahalia Cailleau a toujours entretenu un rapport boulimique aux contes. En même temps qu’elle se délectait étant enfant des contes africains racontés par son père, elle dévorait les livres offerts par sa mère.

Est née alors une fascination pour ces histoires, et plus particulièrement Le Petit chaperon rouge, dont elle continue de collectionner les versions, les variations ou traductions du monde entier.

Il est donc tout naturel qu’elle ajoute sa pierre à l’édifice en créant, à la manière de l’Oulipo et ses exercices de style, un conte musical comportant non pas une, mais sept versions, sept variations théâtralisées qui explorent avec drôlerie et profondeur tous les symbolismes de cette histoire devenue universelle.


Durée (2 x 30 min)
À partir de 2 ans
Nombreuses représentations en médiathèques

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Raconte-nous, Ernesto

Raconte-nous, Ernesto

Lecture par Romuald Giulivo autour de l’album de bande dessinée Ernesto (éditions Casterman) de Marion Duclos.

LE LIVRE
Ernesto est un grand-père peu bavard. Il vit à Tours, mais son accent ne trompe pas : on sait bien qu’il vient de l’autre côté des Pyrénées. Le franquisme lui a volé sa jeunesse, Ernesto tait ses blessures, et la vie le à toute allure. L’Espagne, les oranges grosses comme des melons, les me- lons doux comme du miel… Un matin, tout l’appelle. Avec son vieil ami Thomas, le combattant pour la République, ils prennent alors la route.

Ernesto, par Marion Duclos, est paru aux éditions Casterman

LE SPECTACLE
Marion Duclos a invité l’écrivain Romuald Giulivo a écrire un texte personnel en écho à son nouvel album de bande dessinée, Ernesto. De cette proposition, est née une collaboration où l’intime se mêle à l’universel, où la quête des racines, la construction de l’identité, les drames personnels et les tragédies de l’histoire dialoguent pour résonner en chacun de nous.

Extraits du Trésor de la guerre d’Espagne, Serge Pey (éditions Zulma)
Musique : La’hcene et archives sonores. Durée (40 min)
Durée : 40 mn

premières représentations : Librairie Bachi Bouzouk (Pau – 64), Chalet Mauriac (Saint Symphorien -33), centre François Mauriac (Malagar – 33), cinéma Confluent (Aiguillon – 47)

Durée (40 min) 

Durée (40 min) 

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des spectacles

Batard

Lecture de Bâtard, nouvelle de Jack London, sur les illustrations de Cromwell pour son nouvel album de bande dessinée, accompagnée par Éric Thomas.

la comtesse

Lecture par Romuald Giulivo d’une nouvelle inédite autour du jazz, mise en dessins par Adrien Demont et Laureline Mattiussi, sur une bande-son composée par Cyril Touzé.

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

Une approche pluridisciplinaire

Nous travaillons une dimension artistique qui exploite d'autres formes de langages pour donner accès à un plus large public. 

Batard

Batard

Une adaptation libre de la nouvelle éponyme de Jack London. Images : Cromwell – Musique : Eric Thomas – Voix : Lucie Braud ; Romuald Giulivo

 

Alors que Cromwell et Lucie Braud, alias Catmalou travaillent à une adaptation libre en bande dessinée de la nouvelle de Jack London intitulée Bâtard, ils proposent – en simultanée de leur création en cours – une lecture qui partage l’interprétation de quatre artistes. Une autre forme narrative où les voix, la musique et les images s’assemblent, se répondent, et plongent le spectateur au cœur du Wild, dans l’isolement et la rudesse du Grand Nord, là où l’homme et l’animal se confondent dans la lutte pour leur survie.

week-end on mars-Wom

Deux hommes en traîneau transportent un cercueil sur les pistes glacées du Yukon. La nuit tombe. Les hommes prépar

ent leur bivouac, ramassent le plus de bois possible. Le feu devra durer toute la nuit et empêcher l’attaque des loups qui approchent. Pour ne pas s’endormir, l’un des voyageurs raconte à l’autre l’histoire de Leclère Le Maudit, l’homme qui se trouve dans le cercueil…

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Durée (1h00) Premières représentations : Théâtre Georges Leygues de Villeneuve sur Lot (47) et théâtre Comœdia de Marmande (33), dans le cadre du festival bande dessinée de Clairac (47)

Cette lecture a été créée en collaboration avec les éditions Week end on mars :

loupspeinture : Cromwell

 

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des spectacles

Batard

Lecture de Bâtard, nouvelle de Jack London, sur les illustrations de Cromwell pour son nouvel album de bande dessinée, accompagnée par Éric Thomas.

la comtesse

Lecture par Romuald Giulivo d’une nouvelle inédite autour du jazz, mise en dessins par Adrien Demont et Laureline Mattiussi, sur une bande-son composée par Cyril Touzé.

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

Une approche pluridisciplinaire

Nous travaillons une dimension artistique qui exploite d'autres formes de langages pour donner accès à un plus large public. 

la comtesse

la comtesse

Lecture par Romuald Giulivo d’une nouvelle inédite autour du jazz, mise en dessins par Adrien Demont et Laureline Mattiussi, sur une bande-son composée par Cyril Touzé.

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Romuald Giulivo pratique des lectures musicales depuis une quinzaine d’années. Il a longtemps prêté sa voix à des auteurs classiques pour des lieux éphémères ou la scène des Instants Chavirés. Depuis 2007, il met régulièrement ses textes en musique.
Il se tourne aujourd’hui vers Adrien Demont et Laureline Mattiussi, et leur propose d’intervenir à tour de rôle dans l’illustration d’une nouvelle ayant servi de socle d’écriture à son prochain roman à paraître, L’île d’elle(s), un texte qui doit autant au jazz, au film noir et à la couleur des ciels italiens.
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Nanni a dix-sept ans et vit une existence retirée avec sa mère dans la torpeur d’une île méditerranéenne. Pour l’anniversaire de celle-ci, il organise un concert surprise d’une grande pianiste de jazz, égérie de son père mystérieusement disparu. L’événement promet d’être inoubliable, sauf que…

(bande-son réalisée par Cyril Touzé)

Durée (40 min)
premières représentation : Escale du livre de Bordeaux

 

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des spectacles

Batard

Lecture de Bâtard, nouvelle de Jack London, sur les illustrations de Cromwell pour son nouvel album de bande dessinée, accompagnée par Éric Thomas.

la comtesse

Lecture par Romuald Giulivo d’une nouvelle inédite autour du jazz, mise en dessins par Adrien Demont et Laureline Mattiussi, sur une bande-son composée par Cyril Touzé.

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

Une approche pluridisciplinaire

Nous travaillons une dimension artistique qui exploite d'autres formes de langages pour donner accès à un plus large public. 

Laureline Mattiussi

Laureline Mattiussi

C’est dans les étages baroques de la Maison Demons à Bordeaux, où elle partage avec d’autres auteurs de bande dessinée un atelier mis à disposition par la mairie de la capitale girondine et géré par l’association 9-33, que nous avons dérangé Laureline Mattiussi à sa table de travail. Tandis qu’Adrien Demont, dessinateur, noircit ses pages à la craie, Laureline évoque son rapport à la lecture qui, si elle semble le trouver au prime abord anodin, se révèle en vérité terriblement organique. Et jouissif, forcément

 

Propos recueillis par Romuald Giulivo

 

Toi qui es dessinatrice, mais scénarises également un certain nombre de tes albums, comment s’est fait ton entrée en lecture : d’abord par le texte ou par l’image ?

Laureline Mattiussi : Aussi loin que je me rappelle, je ne crois pas avoir jamais fait de distinction. Un livre, avec ou sans images, a toujours été pour moi avant tout un livre. Je n’ai de toute façon pas de premier souvenir très net de lecture, qui serait lié à l’enfance ou l’adolescence. Je sais juste que j’ai toujours lu. Beaucoup et de tout, autant du roman que de la bande dessinée notamment. Je ne suis pas de ces gens qui ont été boulimiques d’un certain type de lectures à une période de leur vie, ou pour qui tout s’est joué avec la rencontre d’un livre donné, un choc littéraire extrêmement fort qui aurait ouvert une porte – même si des chocs littéraires, notamment à l’adolescence, j’en ai eu évidemment.

Je n’ai pas connu de moment de révélation. Je sais simplement que la lecture a toujours joué un rôle important et quotidien. Il m’était par exemple, à l’époque où j’étais lycéenne en internat, impossible de m’endormir sans avoir lu un peu, et ce quelle que soit l’heure à laquelle je me couchais. Même si mes souvenirs sont flous, j’ai l’impression que la lecture a toujours était là, présente. Comme une évidence, quelque chose de l’ordre naturel au même titre que boire ou manger, un élément primordial et constitutif de la vie.

Et aujourd’hui alors, maintenant que tu fabriques des livres, quel type de lectrice es-tu ?

Laureline Mattiussi : Je n’ai jamais analysé comment je me positionne en tant que lectrice, même aujourd’hui que je suis également auteur. En vérité, je n’ai pas le sentiment d’avoir foncièrement changé. Je continue de glaner mes lectures, de me laisser porter par les découvertes et les surprises – un peu sûrement comme lorsque j’étais plus jeune et puisais sans réfléchir des ouvrages dans la bibliothèque familiale. Ce n’est pas par exemple parce qu’un livre me touche particulière que je vais, comme certains de mes camarades et dans une envie que je peux comprendre, avoir le réflexe d’explorer toute la bibliographie de l’auteur. Je reste dans un rapport que l’on pourrait sûrement qualifier de dilettante. Je passe d’une lecture à une autre sans qu’il y ait forcément de lien évident ou logique dans ce chemin. Peut-être simplement que, ce que je peux trouver dans un livre suffit à me nourrir, m’émerveiller ou me bouleverser.

Adrien Demont relève la tête de son dessin et intervient : C’est drôle, c’est quasiment ce que dit Roland Barthes, je crois. Il dit quelque part – ce qui personnellement m’a beaucoup rassuré en tant que lecteur – que nous ne sommes pas forcés de lire un livre en entier, que nous pouvons trouver un écho suffisant dans quelques pages, quelques phrases.

Tu lis quand même beaucoup de polar, non ?

Laureline Mattiussi : Oui, j’ai toutefois de temps en temps mes périodes. Plus jeune, j’ai été fascinée par la littérature sud-américaine, puis russe. Il est vrai que, depuis plusieurs années, je suis assez friande de polar. Parce que je viens de sortir un roman graphique sur cet univers et que j’ai eu besoin de m’y plonger. Et puis aussi parce que, malgré tout, un livre en amène parfois un autre. Dans un rapport de collection, d’affiliation par exemple. Mais là aussi, je n’y vois pas forcément autre chose que des suites de hasard. J’aime je crois dans le polar un certain rapport assez tranché et étudié à la narration. La narration, que ce soit d’ailleurs dans le roman ou la bande dessinée – que je lis assez peu, je dois l’avouer – est ce qui me fait venir à un livre.

Souvent, quand on me demande vers quel domaine j’aurais pu me tourner si je n’avais pas fait de la BD, les gens pensent dans un rapport qu’ils pensent évident à la peinture. Sauf que je me sens plus proche de l’écrit, pour son lien à la narration, qu’elle soit dans un texte ou dans une image. La peinture, c’est autre chose, ce n’est ni illustratif ni narratif. Quelque part, je crois que je serais plus à même d’écrire un roman que de composer une toile. Un roman noir probablement…

crédits photos : Lou Lbr

Laureline MATTIUSSI a sorti sa première bande dessinée (Petites hontes enfantines), aux éditions La Boîte à Bulles, un diptyque (L’île au poulailler, Treize Étrange) qui reçoit le prix Artemisia 2010, puis La Lionne, avec Sol Hess au scénario et Isabelle Merlet aux couleurs. Son nouvel album (Je viens de m’échapper du ciel, Casterman) est une adaptation en noir et blanc de nouvelles de l’auteur de polar Carlos Salem

Laureline Mattiussi  nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

 

Bibliographie sélective :

  • Cocteau, l’enfant terrible, Casterman, 2020.
  • Je viens de m’échapper du ciel, Casterman, collection Écritures, 2016.
  • La Lionne, livre 1 (Pedicabo ego vos et irrumabo) et livre 2 (Odi, amor et excrucior). Scénario de Sol Hess, couleurs d’Isabelle Merlet. Treize Etrange/Glénat, 2012 et 2013.
  • LÎle au poulailler, tome 1 et 2. Couleurs d’Isabelle Merlet. Treize Etrange/Glénat, 2009 et 2010. Prix Artemisia 2010, sélection officielle du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2010.
  • Petites hontes enfantines, La Boite à Bulles, 2006.

Où es-tu Britannicus ?

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman Où es-tu Britannicus (L’École des Loisirs), illustrée en live par Laureline Mattiussi (La Lionne, Glénat),Mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

Romuald Giulivo pratique des lectures musicales depuis une quinzaine d’années. Il a longtemps prêté sa voix à des auteurs classiques (Artaud, Kafka, Lautréamont…) pour des lieux éphémères ou la scène des Instants Chavirés à Montreuil. C’est en 2007, sur l’invitation de l’Escale du livre de Bordeaux, qu’il s’empare pour la première fois de ses propres textes, avec le secours des dessinateurs Jérôme d’Aviau et Anton qui illustrent alors à quatre mains l’univers sombre et réaliste de Là-bas (L’École des Loisirs).

Laureline Mattiussi a déboulé dans le paysage de la bande dessinée avec L’île au poulailler, en imposant comme une évidence un personnage de femme libre et gourmande, une piratesse ivre de désirs et de combats. Elle vient de publier La Lionne, une plongée au coeur des bas-fonds de la Rome impériale, un récit plein de verve, de gouaille et de désir, entre la grande histoire et les secrets d’alcôve, où Sol Hess introduit au scénario un esprit féroce digne de Fellini.

Laureline Mattiussi et Romuald Giulivo ont ainsi, chacun à leur manière, donné des relectures de l’Antiquité romaine, des visions modernes et décalées qu’ils font aujourd’hui se rencontrer, avec le soutien des guitares arrangées de Cyril Touzé et la mise en chanson de Sol Hess.

Durée (1h10)
Premières représentations : Escale du Livre de Bordeaux, festival Encres Vives de Provins.

découvrir

des spectacles

Batard

Lecture de Bâtard, nouvelle de Jack London, sur les illustrations de Cromwell pour son nouvel album de bande dessinée, accompagnée par Éric Thomas.

la comtesse

Lecture par Romuald Giulivo d’une nouvelle inédite autour du jazz, mise en dessins par Adrien Demont et Laureline Mattiussi, sur une bande-son composée par Cyril Touzé.

Où es-tu Britannicus ?

Lecture par Romuald Giulivo de son roman « Où es-tu Britannicus ? », illustrée en live par Laureline Mattiussi, mise en musique par Cyril Touzé, et en chansons par Sol Hess.

Une approche pluridisciplinaire

Nous travaillons une dimension artistique qui exploite d'autres formes de langages pour donner accès à un plus large public. 

Bâtard by Cromwell

Bâtard by Cromwell

Mardi 17 Janvier 2017 – 20h30
Théâtre Georges-Leygues de Villeneuve-sur-Lot (47)


Les premières images de Cromwell pour son adaptation de Bâtard, une nouvelle  de Jack London, seront projetées lors d’une lecture de Lucie Braud et Romuald Giulivo, et d’une sculpture de son d’Eric Thomas.


C’est bientôt et nous vous conseillons de réserver !

Affiche ©Cromwell
batard

ACTUALITÉS

Nos enfants

Nos enfants

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Projet de création littéraire en images

« L’école, je n’y retournerai pas car on m’y apprend des choses que je ne sais pas »
Ah Ernesto ! Marguerite Duras, illustrations Katy Coupry, éditions Thierry Magnier, 2003

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Marguerite Duras a mené des entretiens avec des gens à qui elle souhaitait donner la parole. Elle interrogeait notamment les enfants sur la façon dont ils percevaient le monde, le futur, leur lien à l’école, à la télévision ou aux livres livres.
Reprenant cinquante ans plus tard cette démarche – qui avait alors donné entre autres naissance à Ah Ernesto et La pluie d’été –  l’auteur Lucie Braud et l’illustratrice Lauranne Quentric inventent un dispositif de récolte de paroles sous forme de résidence, afin de réunir du matériel en vue d’une exposition et d’un album illustré.

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La première phase de cette action est menée en partenariat avec le salon du livre jeunesse de Grateloup (47) sous la forme d’une résidence de création (mars 2017). L’exposition sera présentée les 3 et 4 juin 2017, au salon du livre de Grateloup.

 

Lire c’est penser

Lire c’est penser

      Rencontres en lectures

convaincues que « Lire, c’est penser ! »  Lucie Braud et Dominique Rateau proposent de partager leurs expériences de lectures et leurs interrogations avec des jeunes.

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Qu’est-ce que lire ? Quoi lire ? Pourquoi lire ? Comment lire ? Quand lire ? À quoi ça sert de lire ? À partir de textes partagés à haute voix avec les jeunes, les lectrices animent des discussions sur ce que ces lectures évoquent en chacun d’eux : quels souvenirs ? Quelles musiques ? Quels films ? Quelles autres lectures ? Quelles pensées ? Quelles questions ? Quelles émotions ? …
Devenir lecteur nécessite de savoir cultiver un lien à soi et aux autres. Chaque lecture proposée permet d’enrichir nos réflexions sur ce que les textes choisis donnent à penser mais aussi sur le lecteur que chacun est. Nous nous interrogeons sur ce que la voix d’un autre nous permet parfois de découvrir d’un texte.

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L’action se découpe en trois ateliers de 2h. Elle a été menée au lycée agricole La Tour Blanche de Bommes (33).
(voir le descriptif détaillé pou plus d’informations)

 

lectures de ma chambre

lectures de ma chambre

Lectures de ma chambre

ateliers lecture

Avant d’être auteurs, nous sommes lecteurs. Devenir lecteur nécessite de savoir cultiver un lien à soi et aux autres.

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lecturedemachambre

Que disent les auteurs de leurs lectures et de celles qu’ils ont envie de partager ? Quels sont les livres qu’ils portent, qui influent sur leur écriture, sur la vie, sur la façon dont ils ont envie d’entrevoir le monde ? Sont-ils lecteurs de ce qu’ils écrivent ? Que dit la littérature de nous, de notre lien aux autres et de notre lien à soi ? Que forge-t-elle de notre humanité ? Qui nous permet-elle d’être ?
Deux auteurs, Lucie Braud et Romuald Giulivo, proposent de partager leurs expériences de lectures et leurs interrogations avec de jeunes lycéens : qu’est-ce que lire ? Quoi lire ? Pourquoi lire ? Comment lire ? Quand lire ? À quoi ça sert de lire ? À partir de textes partagés à haute voix avec les jeunes, les auteurs animent des discussions sur ce que ces lectures évoquent en chacun d’eux : quels souvenirs ? Quelles musiques ? Quels films ? Quelles autres lectures ? Quelles pensées ? Quelles questions ? Quelles émotions ? …

Chaque lecture proposée permet d’enrichir nos réflexions sur ce que les textes choisis donnent à penser, mais aussi sur le lecteur que chacun est. Nous nous interrogeons sur ce que la voix d’un autre nous permet parfois de découvrir d’un texte. 

vidéo réalisée par les élèves du Lycée professionnel Porte du Lot de clairac (47) à l’issue des ateliers. Merci à eux !

Déroulement : 2 auteurs – 2 rencontres de 1h30

Les auteurs choisissent les œuvres qu’ils ont envie de faire partager parmi :
– le fonds du CDI ou de la bibliothèque de l’établissement,
– sa bibliothèque personnelle,
– ses œuvres.
1re rencontre : les auteurs présentent les œuvres en expliquant leur choix et lisent des extraits à voix haute.
2e rencontre : Discussion entre les auteurs et les jeunes sur les lectures proposées ; les jeunes font partager des livres qu’ils ont découverts et/ou aimés.
L’organisation se fait en concertation avec les enseignants et les auteurs. Les rencontres se font toujours en présence des deux auteurs afin que les deux voix se croisent.

Public : Adolescents – lycées (d’enseignement général, professionnel, agricole) – Centre de formation d’apprentis.

Conditions financières : Nous contacter pour devis

Ce projet est mené par les auteurs Lucie Braud, Romuald Giulivo, Dominique Rateau et Jo Witek, dans le cadre d’une collaboration avec ÉCLA Aquitaine et son espace de lecture itinérant « Range ta chambre ! »

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Pierre Bertrand

Pierre Bertrand

Non loin des rives du Lot, au bout d’un chemin tortueux protégé par une voûte de feuillage aux couleurs automnales, j’ai trouvé la maison de Pierre Bertrand. Une maison cachée dans un creux de colline, sortie d’un conte, avec son puits, ses recoins et ses bruits. Pierre Bertrand est conteur et auteur d’albums jeunesse. Il affronte des monstres et voyage dès qu’il peut. Plusieurs fois, il a gravi des sommets en Inde, au Népal. De là, il a contemplé le monde. Sa voix porte ce regard bienveillant et curieux, qu’il adresse également à la littérature.

 

Propos recueillis par Lucie Braud

 

Quel a été votre parcours de conteur puis d’auteur ?

Pierre Bertrand : J’ai exercé pendant plusieurs années le métier d’éducateur spécialisé dans un centre de jour pour enfants ayant des troubles du comportement. Lors d’une formation professionnelle, j’ai rencontré Pierre Lafforgue, directeur de la Pomme Bleue, un centre d’accueil d’enfants autistes à Bordeaux. Pierre Lafforgue défend l’idée que la construction du conte aide les enfants qui ne sont pas bien structurés psychiquement. J’ai suivi une formation avec lui et j’ai appliqué ses enseignements en créant des ateliers conte auprès d’enfants. Je me suis mis à conter et j’ai constaté qu’il se passait quelque chose : quand je raconte, les enfants endossent un rôle et s’accapare l’histoire. J’ai pris du plaisir à faire ça et j’ai continué en répondant à des sollicitations d’associations et de bibliothèques. Je faisais ça bénévolement puis j’ai eu envie de ne faire que ça. J’ai donc rompu avec mon ancien travail et je me suis « lancé » comme conteur. J’ai commencé à voyager et à être invité sur les salons du livre. J’y ai rencontré Magali Bonniol qui illustrera par la suite les histoires de Cornebidouille (École des loisirs). En entrant dans le monde de l’édition, j’ai élargi mon champ de rencontres, ce qui m’a permis d’écrire d’autres albums.

D’aussi loin que vous vous souvenez, quel est votre premier rapport au conte et à la littérature ?

P.B. : Le goût des histoires est venu grâce à ma grand-mère paternelle qui vivait sous notre toit. Elle m’en racontait souvent. Et puis, à la maison, nous avions plus de disques que de livres. J’étais un auditeur attentif. Les histoires enregistrées ont nourri mon goût pour l’imaginaire. Mon goût pour la lecture est venu plus tard et sur un champ de lecture très large. C’est quand j’ai eu 10 ou 12 ans que les livres sont arrivés à la maison. Une certaine littérature se développait pour les enfants, Tintin, Pif Gadget, mais je revenais souvent aux disques. J’écoutais Les Lettres de mon moulin par Fernandel, Le Petit Prince et Pierre et le loup lus par Gérard Philippe. J’ai écouté ces disques 10.000 fois, mais toujours comme si c’était la première fois. Ils ont été mon premier lien à l’oralité. Tintin a fait partie de mes premières lectures et m’a accompagné longtemps, encore aujourd’hui. C’était une ouverture incroyable sur le monde et je pense que mon goût pour le voyage est venu de là. Chez moi, toutes les générations se sont accaparées Tintin, mon père, ma fille. Et je les lis encore.

Quel rôle a eu la lecture dans votre rapport à l’oralité ?

P.B. : La lecture a permis de me plonger dans l’univers du conte et d’enrichir mon répertoire. Mon rapport à l’écriture est plus ancien. Petit, je me racontais des histoires, j’étais beaucoup dans l’imaginaire, ce qui me posait des problèmes à l’école, sauf lorsqu’il s’agissait de rédactions. La rédaction était le moment que j’attendais. Il arrivait que l’enseignant lise mon travail aux autres, c’était valorisant pour moi. Le goût des mots est venu très tôt dans ma vie. Les voix de radio me passionnaient, si une voix me plaisait, j’écoutais uniquement pour le plaisir de sa musique. Mon lien au conte est un lien initialement musical. Je suis d’ailleurs musicien et je joue pendant que je conte.

Quels sont les auteurs, les récits qui vous ont marqués ?

P.B. : Adolescent, j’écrivais beaucoup. C’est l’époque où j’ai découvert Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, Victor Hugo, Rilke. Mes goûts pour les récits d’aventures et de voyages, pour la poésie ou la nature et les animaux se sont affirmés. J’aimais les histoires où les personnages se retrouvaient dans des situations extrêmes, des aventuriers qui s’en sortent même si ce n’est pas gagné : le récit de la traversée en solitaire de l’Atlantique d’Alain Bombard ou celui sur l’ascension de l’Annapurna de Maurice Herzog. Moby Dick de Melville m’a particulièrement marqué. Ce roman rassemble tout ce que j’aime. L’océan, les baleines. Et il y a la rage de ce bonhomme à la jambe de bois qui se retourne contre lui, le récit de la vie sur le bateau… La force du récit et de l’imaginaire est différente de celle des récits vécus par des aventuriers. Jules Verne tient également une grande place, il était très visionnaire. Pour moi, il y a une filiation entre Jules Verne et Objectif Lune de Hergé.

Pour vous aujourd’hui, quelle place tiennent les livres ?

P.B. : Il y a toujours un livre sur ma table de chevet. Je lis le soir, car c’est le moment où l’entrée dans l’imaginaire est plus favorable et où l’inconscient se nourrit. Cette nourriture de livres consciente alimente l’imaginaire. Le travail se fait par recyclage de tout ce que j’aime ajouté à qui je suis. C’est une (re)création permanente. Noireclaire, de Christian Bobin (Gallimard) est un texte magnifique que j’ai lu récemment. Il s’agit d’une série de petits textes, presque des haïkus, qui rendent hommage à sa compagne décédée après quinze ans de vie commune. Il raconte le rapport à la vie, à la mort, à l’amour. Cela nourrit ma propre réflexion. Christian Bobin est un auteur important pour moi, tant sur le fond que sur la forme. Il interroge beaucoup le rapport à l’écriture, le pourquoi, et ce sont des questions que je peux me poser. Emmanuel Carrère est également un auteur important. Son livre La Moustache (éd. POL) interroge le rapport à la folie. Dans L’Adversaire (éd. POL), il raconte sa rencontre avec Jean-Claude Romand qui a assassiné ses enfants, sa femme et ses parents. En montrant cet homme comme un homme ordinaire, il interroge la monstruosité qui est en nous, le rapport à l’autre. Le Parfum de Patrick Süskind (Fayard) est un livre que j’ai également beaucoup aimé, que je trouve très bien écrit et très bien ficelé.

Parmi la majorité des livres que vous citez, il est question de monstres. Le monstre est très présent dans les contes et dans vos albums. Qu’est-ce que cette image représente ?

P.B. : C’est vrai. J’ai même écrit des nouvelles fantastiques, pleines de monstres. Cette figure du monstre renvoie à mon rapport à la mort et à une partie de notre humanité qui est la plus mortifère. Dans Cornebidouille, je fais référence aux monstres de mon enfance. C’est peut-être ma façon de les digérer. Je crois que j’ai aussi envie d’intéresser les lecteurs à cette partie-là de notre humanité qui pose question. Mais le monstre, c’est également un rapport à la survie. Les héros de mon adolescence ont été des héros de l’extrême qui se sont lancé des paris dangereux et qui s’en sont sortis.

Est-ce que vous voyagez pour vous mettre en danger, être face à vos monstres ? Est-ce qu’il y a des livres qui vous accompagnent lors de vos voyages ?

P.B. : Non, ce n’est pas pour me mettre en danger, mais plutôt pour aller à la rencontre de gens, satisfaire ma curiosité. Quitter mes bases et revenir. Nicolas Bouvier dit « la vertu d’un voyage, c’est de vider sa vie avant de la remplir. » C’est une idée que j’aime bien. En réalité, je marche beaucoup lorsque je voyage. J’ai fait comme cela le Népal, le Nord-Est de l’Inde, des régions montagneuses de Turquie, le désert en Tunisie, l’Islande, l’Écosse ou l’Indonésie. Avant chaque conte, je commence en disant « marche aujourd’hui, marche demain. Tant que tu marches, tu fais du chemin. » Marcher, cheminer pour accéder à un paysage, à un lieu, symbolise pour moi l’avancée dans la vie, il y a l’idée du parcours et du cheminement intérieur. Je pars toujours avec un livre de poche. Souvent, c’est Fred Vargas et son inspecteur Adamsberg qui m’accompagnent, mais cela peut être un livre en rapport avec le lieu que je vais rencontrer. Quand je suis parti dans des régions frontalières au Tibet – le Ladakh, le Zanskar au nord-est de l’Inde ou encore le Dolpo et le Kumbu au Népal –, j’ai emporté avec moi le livre d’Alexandra David-Néel, Voyage d’une Parisienne à Lhassa, où elle raconte comment elle s’est fait passer pour un homme afin de pouvoir accéder au Tibet. Elle raconte son aventure au jour le jour, c’est un récit physique et philosophique qui a été très important pour mon propre voyage. Ma référence à ce pays était Tintin au Tibet, mon Tintin préféré, donc ce voyage était très inscrit en moi, depuis l’enfance. Et j’ai pu voir « en vrai » les décors naturels dont Hergé s’est inspiré.

Crédits photo : Thierry Magniez

Biographie

Quel goûteur de mots, quel brodeur d’imaginaire ne s’est pas posé la question de savoir pourquoi il racontait des histoires ? Oh bien sûr, je pourrais vous dire que je suis tombé dans la marmite du conte quand j’étais petit. Mais il n’y avait pas de marmite à la maison. Pourtant, grand – père aurait pu raconter devant le feu de cheminée et pour la millième fois de sa vie, comment il s’était débarrassé d’un ours polaire avec un lance pierre. Le froid, ajouté à l’angoisse du récit, nous aurait serrés les uns contre les autres. Sous la porte d’entrée, la bise aurait glissé quelques flocons de neige, juste de quoi apprécier la tiédeur d’un foyer dans un univers hostile et déchaîné. Mais autant que je me souvienne, les hivers sont doux dans ma Charente natale, et la neige se fait aussi rare que les ours polaires. L’un n’allant pas sans l’autre comme vous le savez. Reste grand – mère, qui avait pour le verbe un talent particulier. Elle aurait semé à l’insu de mon plein gré, un pan de ma destinée. Après, ce fut une histoire de rencontres, avec des conteurs, des auteurs, des illustrateurs et toute une brochette d’allumés du verbe et de l’illustration.

Pierre Bertrand nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

 

Bibliographie de Pierre BERTRAND :

Cornebidouille, illustrations Magali Bonniol, École des loisirs

Rousse, illustrations Magali Bonniol, École des loisirs

Tropèl Grognotte, illustrations Magali Bonniol, École des loisirs

Temps gris, illustrations Sibylle Delacroix, Milan Jeunesse

Pouêt Pouêt, illustrations Magali Bonniol, École des loisirs

La vengeance de Cornebidouille, illustrations Magali Bonniol, École des loisirs

Pimpon ! , illustrations Suzanna Rumiz, 2 Vives Voix,

Cornebidouille contre Cornebidouille, illustrations Magali Bonniol, École des loisirs

Les trois cochons petits et le méchant grand loup, illustrations Michel Van Zeveren, Bayard Jeunesse

Spectacles de contes pour enfants

Le Roi des menteurs

Le chat qui cherchait un ami

L’Arbre qui racontait des histoires

Histoires sorties du sac

Spectacles de contes tout public

De vie et d’amour

Des nouvelles d’Ici-Bas

Paroles d’usine

Pour en savoir plus :

www.pierrebertrand.fr

Elsa Gribinski

Elsa Gribinski

Sur sa terrasse, en plein soleil d’été, Elsa Gribinski comporte encore sa part d’ombre. De son inquiétante étrangeté, sa profonde réflexion à chaque question, mais aussi sa générosité et sa voix inimitable, elle explore sans faux-semblant son parcours d’éditrice, d’anthologiste, de traductrice et d’auteure, un parcours qui n’a jamais coupé le lien avec le sens profond de la lecture et un goût prononcé pour les mots des autres.

 

Propos recueillis par Romuald Giulivo

 

Quel est ton premier souvenir de lecture ?

Elsa Gribinski : J’ai commencé par lire énormément de bandes dessinées. J’ai même surtout relu, plusieurs fois par semaine les mêmes vieux Tintin, les mêmes Lucky Luke. Puis Adèle Blanc-Sec de Tardi. Je me souviens que mon père, que nous ne voyions que le week-end avec ma sœur, Mélanie¹, nous avait ouvert un compte à la librairie du Divan, dans Saint-Germain-des-Prés, pour que nous puissions nous acheter un livre avant d’arriver chez lui. Nous passions longtemps dans le sous-sol à lire des BD, quand nous en avions lu quatre ou cinq, il était moins frustrant de n’en acheter qu’une seule. Après, étrangement, je suis passée tout de suite à la littérature adulte. J’ai grandi dans un environnement où il y avait des livres et des bibliothèques, et je suis allée vers les ouvrages selon des rencontres de hasard. D’abord, vers 10 ans, Dostoïevski et Zola. Je ne comprenais pas tout, mais cela n’avait aucune importance, ce qui était important c’était le voyage de la langue, de l’histoire, et le fait d’être emportée ailleurs. J’avais cette sensation d’être là, dans une pièce où il y avait par exemple des conversations, mais aussi de ne pas être là, d’être très loin.

D’avoir eu très tôt une culture de la littérature classique, ton rapport aux lectures prescrites par le cadre scolaire était-il, contrairement à beaucoup d’autres jeunes, plutôt pacifié ?

E.G. : Oui. Même si, pour le coup, ce n’était pas des lectures qui m’emmenaient ailleurs. Ne serait-ce que parce qu’elles étaient prescrites. Par pure opposition de principe et parce que justement une lecture ne se prescrit pas. Mais ce n’était pas non plus très grave, parallèlement, je continuais de découvrir l littérature étrangère : Bradbury, Edgar Allan Poe, Orwell…

D’où provenaient sinon tes lectures personnelles à l’époque ?

E.G. : De la bibliothèque familiale. Mon beau-père ou mon père m’en sortaient de temps en temps des livres. C’était aussi une invitation à aller y piocher par moi-même. Ce que je faisais, par exemple avec le polar. Mais j’ai aussi énormément relu les mêmes livres. Sûrement pour retrouver les sensations de la première fois, redoubler le plaisir des livres qui ont compté. Longtemps, le fait d’aimer relire, de penser à tous ces autres livres que je ne pourrais jamais ouvrir a été quelque chose de pesant. Mais ça ne l’est plus du tout. Peut-être parce que, notamment avec les anthologies sur lesquelles je travaille, j’en ai fait une part de mes activités. J’aime revenir sur les choses, les redécouvrir, les explorer d’autres manières. Déjà très tôt, durant mes études de lettres modernes et de russe, j’ai par exemple étudié la répétition et la variation dans l’œuvre de Dostoïevski.

Ces études, et plus tard tes activités d’éditrice, ont-ils gâché ce plaisir un peu profane de lectrice ?

E.G. :  C’est une autre lecture. J’ai adoré les études de lettres, j’ai adoré la théorie littéraire, les structuralistes, la nouvelle critique… Mais je n’ai effectivement plus jamais retrouvé le plaisir, les sensations de cette lecture adolescente, cette lecture parfois complètement flottante. Le pire, en vérité, a été l’édition telle que je l’ai pratiquée. J’y ai beaucoup saturé. J’ai beaucoup lu et relu de mauvaises choses pour les faire aboutir à des livres acceptables. C’est atroce et ce n’est pas pour rien que j’ai arrêté. C’est un métier extrêmement chronophage, où l’on ne choisit plus notamment ses lectures. J’y ai perdu énormément de ma capacité à me concentrer ou à m’échapper par l’écrit.

Comment est venue ton envie d’entrer dans l’écrit par une activité d’anthologiste ?

E.G. : Je ne sais pas comment viennent et se font les choses. En vérité, c’est seulement aujourd’hui, quelques années après Le Goût des femmes, la première anthologie sur laquelle j’ai travaillé, que je m’aperçois peut-être d’une certaine cohérence dans mon parcours. Que ce soient les ateliers à la Manufacture atlantique et la création à suivre, mes textes sur les lieux bordelais pour un livre de coloriage à paraître chez Mollat – que je cosigne avec l’artiste Andrea Posani –, ou même par exemple un ancien travail universitaire sur le seuil chez Dostoïevski, il me semble ressortir de tout ça une interrogation récurrente sur les lieux dans l’écrit ou sur la littérature comme lieu. Et aussi, souvent, mon inclination à écrire avant tout avec, ou plutôt entre les mots des autres. Ce n’est ainsi peut-être pas un hasard si j’ai traduit du russe pendant un temps. Et si je me tourne aujourd’hui pour la deuxième fois vers le théâtre.

 Comment est venue ton envie d’entrer dans l’écrit par une activité d’anthologiste ?

E.G. : Cela a été longtemps le sentiment de n’avoir aucune légitimité à l’écriture. C’est peut-être pour cela que j’ai d’abord choisi d’être éditrice. Et puis il y a des moments où l’on fait rupture dans la vie, et on y construit des choses. De toute façon, on écrit toujours avec les mots des autres. Car on écrit parce qu’on a lu. Car le langage est un lieu commun. Les mots ne vous appartiennent pas.

———- ¹Mélanie Gribinski, aujourd’hui photographe

crédit photo : MP

Diplômée de lettres et de traduction littéraire, Elsa Gribinski découvre l’édition par les archives (Gallimard), traduit du russe (Michel Ossorguine) puis y renonce, publie de la littérature contemporaine (Grasset) puis y renonce, se met à écrire en préférant ne pas, si ce n’est avec les voix des autres.

Elsa Gribinski nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !

Bibliographie sélective de Elsa Gribinski :

Vergniaud, de la tribune à l’échafaud, Mollat

Le Goût des femmes, Mercure de France

Le Goût des mots, Mercure de France

Marcus Malte

Marcus Malte

« Un écrivain derrière la rumeur du monde »

 

Romuald Giulivo a rencontré Marcus Malte lors de sa résidence d’écriture au Chalet Mauriac alors qu’il écrivait Le Garçon, Prix Femina 2016.
Quelques mois plus tard, la rencontre se passe à nouveau et Le Garçon a paru aux éditions Zulma.

Quand deux auteurs se rencontrent et se lisent, des choses se passent :

eclairs-copie

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Un Autre Monde participe régulièrement à la revue Éclairs, revue numérique de l’agence Écla Aquitaine (agence régionale pour le livre et le cinéma)
Marie Gloris Bardiaux Vaiente

Marie Gloris Bardiaux Vaiente

Scénariste de bande dessinée, docteure en Histoire, militante pour l’abolition universelle de la peine de mort et blogueuse féministe en pleine déconstruction, j’écris sur tout ce qui donne du sens à ma colère et à mon désir de comprendre le monde. Et certains soirs, quand ça ne suffit pas, je compose des poésies érotiques. » Marie Gloris Bardiaux Vaïente affiche un masque de guerrière. Pourtant, dans son jardin baigné de soleil à Marmande où elle nous a reçus, le masque s’est levé lorsqu’elle a évoqué ses lectures. Une femme pudique et fragile, habitée par le doute, s’est dessinée.

Propos recueillis par Lucie Braud

Comment se sont faites ton entrée en lecture et ta rencontre avec les livres ?

Marie Gloris Bardiaux Vaïente : La lecture est très liée aux femmes de ma famille et à l’amour. Ma grand-mère était institutrice et m’a appris à lire alors que j’avais 5 ans. Ma mère est une grande lectrice. Savoir lire, c’était être reconnue par ma grand-mère et le gage d’être une bonne élève. Sa maison était pleine de livres et le livre est un élément essentiel dans ma relation à elle. Mais si ma grand-mère censurait certaines lectures, ma mère au contraire m’a mis entre les mains toute sorte de livres. Très jeune, j’ai lu Boris Vian, Sartre, Annie Ernaux… Et j’avais une amie dont le père était professeur de Latin-Grec avec qui nous organisions des séances de lectures. Cette émulation m’a ouvert à des textes comme L’Iliade et L’Odyssée. Mais il y a eu un texte fondateur qui a participé d’une première étape de ma construction personnelle, Antigone de Jean Anouilh. J’avais 12 ans lorsque je l’ai lu pour la première fois. J’ai éprouvé une grande tendresse pour ce personnage orgueilleux. J’ai entamé ainsi une réflexion sur la notion de justice, réflexion que j’ai continué à avoir tout au long de ma vie. C’est un texte qui me suit de près, que je lis une fois par an, dans toutes les versions que je trouve et que je vais voir régulièrement au théâtre. La version d’Anouilh reste celle que je préfère parce que c’est la première que j’ai lue. La justice est fondamentale pour moi, mais c’est très complexe. À 23 ans, j’ai été jurée d’Assises. Cela a été une étape, comme ma première lecture d’Antigone.

 Tu écris des fictions historiques, et sur des sujets de société. Quel lien fais-tu entre tes études d’Histoire, ton écriture et la littérature ?

M.G.B.V : J’ai su à 14 ans que je voulais faire des études d’Histoire, car j’aime comprendre les choses et avoir du recul sur comment elles sont arrivées. En 2011, j’ai rencontré Robert Badinter au sujet de ma thèse et il m’a demandé pourquoi je réalisais ce travail. Je lui ai simplement répondu « parce que j’ai besoin de comprendre». Comprendre comment l’espace européen est de droit le seul espace dans le monde où la peine de mort est interdite. J’aime également la généalogie. Jeune adulte, je construisais les arbres des Rois de France et faisait les liens entre eux et les différentes familles d’Europe. J’ai fait des choix dans ma vie, mais la construction est antérieure et nourrie de l’histoire de mes parents, eux-mêmes nourris par l’histoire de leurs parents et ainsi de suite. L’Histoire est sans fin et elle n’est jamais objective. Si nous ne pouvons pas tricher avec les sources, l’interprétation reste propre à chaque chercheur. C’est également vers l’âge de 13 ans que j’ai découvert le travail de l’écrivaine Annie Ernaux. La sociologie autobiographique qu’elle utilise me donne envie d’aller vers ce genre d’écriture. Tous les auteurs parlent d’eux et se cachent derrière la fiction. Je ne suis pas sûre que cela m’intéresse. Et puis, cela signifie écrire sans masque et se livrer complètement et je ne suis pas sûre non plus d’y arriver. Écrire l’Histoire, c’est quelque chose de technique où je réunis les pièces du puzzle. L’écriture a quelque chose de psychanalytique pour moi. La responsabilité des auteurs qui écrivent sur « les autres » est immense alors que les « autres » n’ont rien demandé. Je ne suis pas sûre d’y trouver mon compte, j’ai besoin d’être dans une parole frontale, que mon côté militant puisse exister. Or, être militant, c’est mettre sa pudeur de côté.

Quel est ton rapport au dessin en tant que scénariste de bande dessinée et en tant que lectrice?

M.G.B.V : Enfant puis adolescente, je ne dessinais pas, je me l’interdisais. Ma mère dessine et peint très bien, cela ne pouvait donc pas être mon domaine, je ne pouvais pas y toucher. Il y a six mois, je m’y suis pourtant mise, je me suis autorisé le droit de dessiner malgré un gros complexe. Entamer cette démarche vers le dessin est un passage vers l’émancipation et cela m’ouvre des perspectives personnelles. J’affine mon regard, j’intègre le temps que cela demande et j’accepte que le rendu ne soit pas ce que j’espérais. Ma seule ambition est d’oser le faire. Dans mon travail de scénariste de bande dessinée, le masque est là : le dessinateur dessine sur ce que j’écris, il s’approprie le texte. J’ai une grande admiration pour les artistes-plasticiens. Je suis fascinée par leur réinterprétation de ce que j’écris. L’étape suivante serait de ne plus avoir besoin de me cacher derrière le dessin des autres. Ma culture d’enfant et d’adolescente sur la bande dessinée vient de mon père. Comme mes parents sont séparés, j’avais deux espaces de lecture différents. Je consacrais mon argent de poche à l’achat de Pif. Pour ma mère, les bandes dessinées n’étaient pas des livres, certainement parce que c’est un univers qu’elle ne connaît pas. Mais elle lit ce que j’écris. C’est une reconnaissance. Enfant, j’allais à la bibliothèque toutes les semaines et j’empruntais des bandes dessinées. Les romans, eux, étaient achetés en librairie. Petite, je voulais être maîtresse, avocate, journaliste et scénariste. J’ai réalisé que j’avais réuni ces quatre métiers par les choses que j’ai réalisées et le dessin y a une grande place.

Maîtresse d’école, féministe, comment l’écriture et la littérature interviennent dans ces engagements forts ?

M.G.B.V : Maître d’école est un métier qui a un côté narcissique. Tu es un demi-dieu dans les yeux de tes élèves parce que tu as le savoir et que c’est un pouvoir. J’ai choisi ce métier pour pouvoir transmettre quelque chose à mon échelle, mais aussi recevoir par les interrogations que me renvoient les enfants. Cela rejoint le militantisme. J’ai décidé de quitter l’enseignement. Les contraintes de l’Éducation nationale sont très pesantes et je ne me sentais plus à ma place. Quand j’ai commencé ce métier, j’ai su que je ne le ferai pas toute ma vie, mais que ce serait le moteur d’autre chose. À 34 ans, j’ai renoué avec mes études, car je m’ennuyai intellectuellement, et c’est à cette période que j’ai commencé à écrire des bandes dessinées. Il a fallu que je devienne Docteure pour assumer d’être une intellectuelle, mais je ne m’attache pas encore le terme d’artiste. Écrire sur l’Histoire est très confortable, c’est un socle sur lequel je peux m’appuyer et c’est un domaine dans lequel je suis reconnue. J’aimerais explorer par l’écriture la sexualité, interroger ce qu’est être une femme. Le féminisme est très évolutif chez moi. Ma réflexion est permanente, elle va de la colère à la profondeur de qui je suis. Elle est très liée à Antigone. Elle est seule face à des hommes et tente de faire entendre sa voix. À 12 ans, ma mère m’avait écrit un mot qui disait : « Tu seras un homme, ma fille. » Il signifiait que je ne devais pas m’empêcher de faire des choses identifiées comme étant du domaine des hommes. C’est vrai que j’aime les choses qui sont plutôt du monde masculin : la politique, la bande dessinée, l’aviation. En un sens, cette phrase est fausse, mais je comprends l’intention, être à égalité de traitement. Pour moi, le système patriarcal est un ennemi. Mon côté guerrière est assez puissant, ce qui n’empêche pas que je me pose sans arrêt des questions. Je dirai que toute lecture de fiction ou autre m’a nourri, tous les livres m’apportent et il en est de même pour le cinéma. King Kong Théorie de Virginie Despentes a été un choc féministe. Assumer le féminisme peut être compliqué. C’est un terme militant, qu’il faut assumer, qui signifie « foncer dans le tas ». Je ne veux plus me censurer, ne plus craindre de ne plus être aimée. J’ai compris qu’on ne peut pas vouloir prêcher tout en craignant de déplaire. L’enfance est quelque chose de spécial. J’ai toujours eu horreur de Peter Pan ou d’Alice au pays des Merveilles. Je n’ai aucune nostalgie de l’enfance. J’ai été une enfant, mais sans en avoir le sentiment. J’ai été responsabilisée très tôt, j’évoluais dans des assemblées d’adultes lors desquelles je lisais ou j’écoutais. Je me suis nourrie de leurs paroles et les romans jeunesse que je lisais étaient sur des thèmes très durs. Mon métier d’enseignante m’a fait redécouvrir la littérature jeunesse. J’ai alors simplement acheté les livres qui me plaisaient.

Bibliographie sélective

Publications historiques

Histoire de l’abolition de la peine de mort dans les six pays fondateurs de l’Union européenne, Thèse de Doctorat, 2015.

Armand Fallières, un président abolitionniste, in Arkhéia n°23-24, 2012.

 

Blogs et articles en ligne

Le choix de Joko –http://lechoixdejoko.tumblr.com/

Notes d’intentions féministes –http://mgbvfeminisme.tumblr.com

Le Carnet de l’abolition – https://abolition.hypotheses.org/

 

Bande dessinée

Isabelle, la Louve de France, 2 tomes, Éd. Delcourt, 2014.

– La Guillotine, La Revue dessinée n°3, 2014.

– Diverses contributions pour le magazine Spirou.

– Cléopâtre, Éd. Delcourt, à paraître en 2017.

Marie Gloris Bardiaux Vaïente nous a très gentiment ouvert sa bibliothèque : à vous d’y dénicher des envies de lecture !