Vertical

Vertical

Vertical est la première publication portée par Un Autre Monde, en coédition avec la galerie Mon Œil, l’art au quotidien. Ce livre d’artistes est le résultat d’une rencontre où photographie et écriture s’entrecroisent. La photographe Laëtitia Villemin a invité Lucie Braud à s’immerger dans son univers le temps d’une exposition. Un double ouvrage a pris forme. D’une part un livre rétrospectif de trente ans de photographie de Laetitia Villemin, d’autre part un recueil de récits écrits par Lucie Braud. Les deux ouvrages indépendants l’un de l’autre racontent une seule histoire sous deux regards différents.

Par Lucie Braud

 

Fin août 2023. Nous sommes autour d’une table pour un dîner entre amis. Laëtitia Villemin me parle de l’exposition qu’elle va présenter à la médiathèque Robert Badinter de notre village le mois prochain. Dix ans après l’ouverture de celle-ci. Dix ans après un burn-out. Elle me parle de sa correspondance et de sa rencontre avec Willy Ronis lorsqu’elle était jeune photographe, comment l’artiste l’a inspirée pour trouver sa propre voie, son propre regard. Comment elle en est arrivée, trente ans plus tard, à cette série qu’elle nomme Vertical.

« D’ailleurs, me dit-elle, je pense que ton univers collerait bien à ces images. J’en suis sûre, même. Tu ne voudrais pas écrire ? Écrire ce dont tu as envie, ce qui vient, ce qui émerge. » J’ai dit oui pour répondre à l’évidence, prête à m’embarquer dans un autre monde que le mien, curieuse de voir ce qui en naîtra, parce que Laetitia Villemin, c’est un corps frêle et nerveux qui diffuse une énergie contagieuse.

Octobre 2023. Je passe des après-midis à la médiathèque, en immersion dans les photos qui composent l’exposition. Je prends des notes. Parfois, je ne fais rien d’autre que regarder une photo en particulier. Je fouille dans mon intériorité ce qui accroche mon regard, et pourquoi. Des corps suspendus, allongés, des visages brouillés, des bras tendus vers le ciel. Où se situe ma verticalité au milieu de ces personnages et de ces paysages ? Parfois je réponds aux questions des visiteurs et nous regardons ensemble une photo. Nous analysons les courbes, les diagonales, les ombres. L’un parle de ce que cela évoque chez lui. L’autre s’en étonne et son regard se modifie. Puis je rentre et j’écris. Ou je n’écris pas. Je laisse reposer. J’attends d’être sous la douche, le meilleur moment pour penser. Ou je m’allonge et regarde le plafond sans le voir.

Novembre 2023. Les récits se mettent en place. Les photographies de Laëtitia font ressurgir des souvenirs d’enfance, des images que je déconstruis et reconstruis pour les transformer en fiction. Des fulgurances, des instants saisis à tous les âges où je tente de déceler ce qui nous fait avancer, chuter, nous relever, où j’interroge cette notion de verticalité comme une image de notre dignité, comme notre façon d’être au monde. Vingt-quatre histoires courtes s’enchaînent ainsi, des premiers aux derniers pas de la vie.

 

                                    

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Trois questions à Laëtitia Villemin

 

Pourquoi une rétrospective nommée Vertical ?

Vertical est pour moi l’autre mot pour dire « debout » ou celui pour dire « je suis ». Pour qui, pourquoi, c’est automatique, instantané, c’est ancré en moi.
Après une chute, un doute passé, une peine surmontée, une joie écrite, une difficulté nommée, je ne me sens ni guérie, ni joyeuse ou rétablie, non je me sens à nouveau entière et pour le signifier verbalement je me nomme verticale. Je le ressens fortement physiquement et psychiquement. De façon morale, citoyenne, existentielle et poétique, c’est une éthique, un tic un toc, une façon d’être au monde, une manière de me sentir authentique. Comme une façon de se regarder en face ! D’égal à égal.
J’ai toujours eu ce besoin irrépressible de ressentir des pieds à la tête et de la tête aux pieds. Et naturellement mon regard en tant qu’artiste a eu besoin de mettre en abîme cet équilibre et de fixer cette idée sur le papier.
De fil en aiguille, je me suis donc mise à regarder les choses à l’envers, à positionner le bas en haut et le haut en bas, à ne plus dissocier l’endroit de l’envers, à souhaiter que l’un et l’autre ne fassent plus qu’un.  Que l’un soit l’autre. Indissociables.
En provoquant ce vertige, j’attends du regardant qu’il se sente aussi le regardé. Qu’il se sache vu. Par l’inversion, je cherche à ce qu’il soit acteur. Je lui fais tourner la tête. Je l’invite au mouvement. Je le verticalise.

Auprès de Willy, « Ton vieux Willy » comme il s’amusait à signer parfois ses lettres, j’ai compris que donner le temps au temps ferait peut-être un jour « œuvre (poétique) photographique »

Dans Vertical, il y a donc ces instantanés renversés et puis il y a tous les autres captés sur une période de 30 ans. Ces derniers s’inscrivent donc dans la durée et reflètent à la fois mon obsession de la présence humaine dans le cadre et également ma proximité ou disons ma réciprocité avec elle, quel que soit son environnement.
Urbain, végétal, nu, littoral… peu importe pour moi… Cependant s’il est remarquable que de nombreux clichés soient glanés sur le littoral, c’est que j’habite la côte sud-finistérienne depuis 22 ans, et qu’elle est mon terrain de jeu et de chasse depuis mon enfance.
Comment illustrer mon mode de pensée arc-bouté sur ma propre verticalité et l’universalité des choses ? Comment le représenter au mieux, comment m’en approcher au plus près ? Surtout, en ne trichant pas, d’où l’instantanéité avérée des photographies qui composent cette série nommée Vertical où les clichés sont associés avec douceur, force et liberté.

 

Quelle importance a eu votre correspondance avec Willy Ronis dans votre travail de photographe ?

« Vous avez attrapé le virus, vous aussi. Attention, car s’il n’est pas mortel, il peut faire mal. Mais si vous avez la passion et le goût du risque… » Ce sont les premiers mots que Willy Ronis m’a adressés sur une carte postale le 6 février 1998. Il avait 88 ans, moi 24. Je découvrais qu’outre sa poétique photographique, son humour aussi allait m’être contagieux.
Plus tard, nous nous rencontrons, puisqu’il m’invite à passer chez lui, ce que je fais lors d’un passage à Paris. Pour moi, cette rencontre était fondamentale. Interroger un aîné afin de comprendre, afin d’apprendre et de vérifier une intuition.
Aussi, l’une des photos que je lui montre lors de cette rencontre lui fait soudain penser à l’une de ses propres photos… Il se met à la chercher, et la trouve enfin. Quelques larmes s’évadent de ses yeux bleus rares, et il m’explique que nos deux images lui font penser à son ami disparu Julio Cortázar, le grand écrivain argentin… Puis nous poursuivons notre échange comme si un ange avait passé pour de vrai. Il souhaitera m’offrir la photo avant que je m’en aille. Et je suis à vie bouleversée par cela. Plus tôt dans l’année, j’avais lu la nouvelle L’homme à l’affût de Julio Cortázar, et j’avais souligné cette phrase : « C’était comme si j’étais planté à un coin de rue en train de regarder passer ce que je pensais, mais sans penser ce que je voyais, tu saisis ? »
Cette phrase est la définition même de l’acte photographique tel que je souhaite le pratiquer. À savoir : sans réelle frontière entre moi et l’autre, ni entre le haut et le bas, en remettant en cause les notions admises d’un envers et d’un endroit éventuels. Comme si je souhaitais découvrir ma réalité dans l’imaginaire des autres, et inversement.
Auprès de Willy, « Ton vieux Willy » comme il s’amusait à signer parfois ses lettres, j’ai compris que donner le temps au temps ferait peut-être un jour « œuvre (poétique) photographique ». Que seuls patience, altruisme, travail, pourraient me garantir d’obtenir ce cadeau, tant éphémère est la vie. Ne pas tricher, m’engager tout entière dans mes prises de vue, et absolument m’approcher au plus près du sujet. Et s’y tenir.

 

Pourquoi avoir pensé un double ouvrage qui allie textes et images ?

Parce que c’est un formidable exercice. Pour le jeu que cela représente. Parce qu’un livre d’artiste à deux, c’est un objet rare et j’aime cela.
C’est également une suite logique dans mon parcours, puisque j’ai déjà vécu l’inverse. J’aime écrire et j’ai libéré de nombreuses nouvelles. L’auteur et illustrateur Guillaume Sorel en a déjà illustré deux. La première, N’être, une exposition sur toiles, châssis bois et un livret illustré édité par Le peu importe association. La seconde, Mâle de mer, un roman graphique dans la collection Écritures chez Casterman. Je me suis donc déjà retrouvée dans la peau de celle qui reçoit les images après les avoir rêvées et imaginées.
Avec Vertical, j’ai ressenti le besoin d’être dans l’inversement des rôles, et intuitivement Lucie m’a semblé être la bonne autrice fulgurante pour cela… Parce que nous découvrons en nous-mêmes ce que les autres nous cachent, et nous reconnaissons dans les autres ce que nous nous cachons à nous-mêmes. Tout simplement.
Après Vertical, nous allons d’ailleurs poursuivre notre collaboration.

 

 


Vertical, photographies de Laëtitia Villemin, textes de Lucie Braud,
une coédition Mon Œil, l’art au quotidien/Un Autre Monde, décembre 2023
 38 € – Série limitée à 200 ex. — EAN : 9 782 959 154 607
Vous pouvez le commander chez votre libraire ou à : contact@1autremonde.eu



  

Bibliographie sélective

Laetitia Villemin
Mâle de mer, dessin Guillaume Sorel, collection Écritures, Casterman, 2009
N’être, dessin Guillaume Sorel, éditions Peu importe association, 2005
Le double du je (u) du photographe, exposition, Université Rennes 2, 1998

Lucie Braud
Néfos, Un Autre Monde, roman audio, 2023
Mimosa, les choses changent, c’est énervant, dessin Édith, collection Noctambule, Soleil, 2019
Le Dernier des Mohicans, dessin Cromwell, collection Noctambule, Soleil, 2010

 

 

Le Grand Atelier de Clohars-Carnoet

Le Grand Atelier de Clohars-Carnoet

          

L’exposition collective Le Grand Atelier de Clohars-Carnoet s’installe à la chapelle St Jacques du 16 septembre au 14 octobre 2023. Créée à l’initiative de cinq artistes-auteurs résidents de la commune – Rozenn Brécard, Catmalou, Cromwell, Lauranne Quentric et Guillaume Sorel – elle donne à voir un pan de leur univers de création singulier en illustration et en bande-dessinée.

L’exposition Le Grand Atelier de Clohars-Carnoet est une première expérience commune de cinq auteurs du livre qui ont choisi de présenter une partie de leur travail au sein de leur ville de résidence, une façon pour eux de défendre leur travail et plus largement la création contemporaine. Pour l’occasion, la municipalité leur a prêté la chapelle St Jacques, un lieu dédié à des évènements culturels.

Rozenn Brécard, illustratrice jeunesse récemment récompensée par le prix révélation de l’ADAGP avec son album Le Détour paru aux éditions La Partie, expose des dessins originaux en noir et blanc à la gouache, une série jouant sur les ombres et les lumières qui met à l’honneur les paysages du bord de mer et notamment le port de Doelan.

Lauranne Quentric, autrice de nombreux albums jeunesse, révèle un univers doux et ludique s’inspirant de son lieu de vie. Elle crée ses tableaux en utilisant différentes techniques dont celle des collages de papier de soie, un travail minutieux et d’une grande finesse qui met sa patience à rude épreuve. Elle invite à la recherche du détail et au jeu par la recherche des correspondances entre les images.

Cromwell s’illustre dans le monde de la bande dessinée depuis 1985 avec son graphisme nerveux et virtuose mêlant des techniques diverses selon ses envies et les récits qu’il veut servir. Il expose notamment des toiles qui feront l’objet de son prochain roman graphique Bâtard, pour lesquelles il s’inspire du groupe des Seven, des peintres de Toronto affranchis de tout académisme.

Guillaume Sorel, auteur-dessinateur de bande dessinée et illustrateur, met sa technique au profit de projets artistiques depuis la fin des années 80. Son style révèle une grande admiration pour le fantastique et l’imaginaire sous toutes ses formes, un travail d’ombres et de lumières, de couleurs en pénombre dont il se sert également pour interpréter les paysages bretons.

Catmalou navigue entre la bande dessinée, le roman, le récit, l’album jeunesse, la lecture à voix haute. Elle est le point commun des quatre précédents artistes en écrivant pour chacun d’eux. Elle se révèle dans une écriture éclectique, entre humour et récit intimiste, textes poétiques et récit d’aventure, une façon pour elle d’être au plus près de ses envies.

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Les œuvres exposées sont pour la grande majorité dédiées à la vente. En parallèle, Rozenn Brécard, Lauranne Quentric et Catmalou proposent des ateliers de création artistique tout public pour s’initier à l’illustration, au collage ou à l’écriture. Ces derniers ont été possibles grâce au soutien financier de la ville de Clohars-Carnoet, au partenariat avec la médiathèque Robert Badinter, ainsi qu’au soutien de la Caisse Locale du Crédit Agricole de Quimperlé. La coordination du projet quant à elle, est portée par le collectif d’artistes-auteurs Un Autre Monde, Chaudron éditions et Week-end on Mars éditions, trois structures associatives locales et nationales, œuvrant pour la création et l’accès au livre. L’accueil enthousiaste des visiteurs conforte aujourd’hui leur initiative, et leur permet d’envisager, pourquoi pas, une nouvelle édition du Grand Atelier. Qui sait ?

Bibliographie sélective

Rozenn Brécard
Le vieil homme et les mouettes, texte Rémi Courgeon, Seuil Jeunesse, 2023
Le Détour, éditions La Partie, 2022
La belle Jeannette, texte Rémi Courgeon, Seuil jeunesse, 2021

Catmalou
Mimosa, les choses changent, c’est énervant, dessin Édith, éditions Soleil-Delcourt, 2019
Ferdinand, In8, 2011
Le Dernier des Mohicans, dessin Cromwell, Soleil, 2010

Cromwell
Artbooks : End Zone, éditions Caurette, 2020 – Quelque part, éditions Akiléos, 2011
Anita Bomba, Le journal d’une emmerdeuse, éditions Caurette/Akiléos, 2017
Le Dernier des Mohicans, scénario Catmalou, Soleil, 2010

Lauranne Quentric
Elle fait le printemps, texte Praline Gay-Para, éditions Didier Jeunesse, 2023
Et pluie voilà, texte Christophe Pernaudet, éditions du Rouergue, 2019
L’amoureux de papa, texte Ingrid Chabbert, éditions Kilowatt, 2017

Guillaume Sorel
Macbeth, récit complet en 2 tomes, Glénat, 2021
Bluebells Wood, Glénat, 2018
Hôtel Particulier, Casterman, 2013

Un Autre Monde lance son podcast !

Un Autre Monde lance son podcast !


Pour ses dix années d’existence, Un Autre Monde lance un podcast dans la suite logique des initiatives numériques menées par l’association. Au programme : plusieurs créations originales, des enregistrements de spectacles, des lectures par des auteurs du collectif et encore plein d’autres initiatives à découvrir tout au long de l’année.

 

 

Pour ouvrir le bal, Lucie Braud, autrice et scénariste de bande dessinée, explore dans un récit intimiste les souvenirs d’une histoire d’amour perdue d’avance sous le soleil implacable de la Grèce et des premiers âges adultes. Après Ferdinand, paru il y a quelques années aux éditions in8, elle montre de nouveau avec Néfos un regard plein d’émotion et de justesse.

 

Néfos, un podcast en 5 épisodes à découvrir dès maintenant !

« Néfos signifie nuage en grec. Ce mot désigne plus particulièrement le nuage de pollution qui asphyxie Athènes à certaines périodes de l’année, notamment lorsque le vent ne souffle plus et que la chaleur s’abat sur la ville.
L’histoire de Michelle et Eni est inspirée de faits réels. Je voulais raconter la rencontre entre une étudiante en proie à des doutes et des interrogations, qui cherche sa voie sans savoir quelle direction prendre alors que son chemin semble déjà tracé par d’autres, et Eni, un jeune albanais sans papiers arrivé en Grèce dans des circonstances troubles, qui vit au jour le jour et prend de la vie ce qu’elle lui donne. Deux jeunesses éprises de liberté et de rêves qui se rencontrent et dénouent ensemble le pourquoi de leur fuite, malgré leurs différences. »
(Lucie Braud)
Régis Lejonc et la Princesse Gaya

Régis Lejonc et la Princesse Gaya

 
Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya est une aventure éditoriale, humaine et créative imaginée et portée par Régis Lejonc. Les éditions Little Urban publieront une édition courante en octobre 2023, mais en amont, un premier tirage de tête est prévu en juillet 2023 hors commerce, en faisant appel au financement participatif via la plateforme Ulule. Pourquoi deux éditions et pourquoi faire appel à des contributeurs si une édition du livre existe déjà grâce à un éditeur ?
    
Le projet artistique et humain
L’idée germe en 2019 dans la tête de Régis Lejonc à partir d’une simple image qu’il a réalisée, représentant une jeune fille portant des bois de cerf et posant devant un énorme crâne. Il pense à une série d’histoires constituant une petite collection. Mais le projet mûrit et il réalise d’autres images avec toujours au centre ce même personnage féminin à différents âges et dans des décors représentant des cultures et des époques différentes. Il imagine désormais un seul livre racontant les neuf vies de la princesse Gaya. Neuf images pour neuf auteurs auxquels il pense, parce qu’il aime leur écriture, parce qu’il les connaît et que l’idée de partager une aventure humaine et créative avec eux est une belle motivation.

Annie Agopian, Fred Bernard, Anne Cortey, Alex Cousseau, Anne Jonas, Henri Meunier, Ghislaine Roman, Cécile Roumiguière, Thomas Scotto relèvent le défi lancé par l’illustrateur. Pour corser l’aventure créative, Régis Lejonc attribue à chacun une image qui l’emmènera sur un territoire d’écriture inconnu pour lui. Les auteurs acceptent de sortir de leur zone de confort et d’explorer cet ailleurs d’eux-mêmes. L’objectif est de livrer une histoire à la mi-novembre 2022, date à laquelle ils se retrouvent alors au Chalet Mauriac de St Symphorien (33) en présence des éditeurs. Pendant trois jours, auteurs et éditeurs qui ne se sont pas encore rencontrés dénouent les nœuds narratifs, démêlent les questions en suspens, prennent des décisions et peaufinent l’objet final. Les liens humains et de confiance se tissent inexorablement.
La difficulté de ce projet est bel et bien dans l’entente entre les dix auteurs et l’éditeur mais la plus importante se situe plutôt sur le plan économique lorsqu’il s’agit d’un ouvrage collectif. Chaque auteur percevra 1 % du prix de vente du livre soit entre 20 et 30 centimes d’euro par ouvrage vendu. Et verser une avance sur droits à dix auteurs est impossible pour l’éditeur. Comment alors rémunérer les auteurs équitablement sur un tel travail ?

Un système économique repensé
Pendant le confinement Régis Lejonc a réalisé quotidiennement des images représentant sa perception du monde dans un tel contexte. Pour que l’ensemble existe sous forme de livre alors que les éditeurs sont plus que frileux devant une situation inédite, Régis Lejonc étudie la possibilité du financement participatif pour éditer lui-même le livre. Il mobilise un réseau de libraires qu’il connait et prêts à s’engager dans une démarche d’achat ferme. Comme à la maison voit le jour en s’inscrivant dans un système économique viable. En créant cette chaîne du livre alternative, le constat de l’auteur est simple : le succès est possible si les maillons de la chaîne du livre travaillent et s’impliquent ensemble sur un projet, en formant un réseau. Les maillons sont alors raccordés et non plus posés les uns à côté des autres. Une fois ce réseau créé et investi, les auteurs peuvent envisager des projets hors-normes et libérer leur créativité. Et qui plus est, la rémunération est équitable.

« L’argent récolté permettra de publier cette édition limitée hors commerce et de rémunérer les auteurs à hauteur de mille euros chacun, en plus des 1 % de vente que chacun touchera sur la vente de l’édition courante »

Pour Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya, Régis Lejonc réfléchit différemment car il s’agira cette fois de pouvoir rémunérer dix auteurs. Le partenariat avec un éditeur qui permettra que le livre soit présent en librairie via son réseau de diffusion et de distribution, dans de bonnes conditions, lui semble incontournable. Par ailleurs, en s’appuyant sur le réseau des médiathèques et d’associations de chaque auteur, la médiation et le lien au lectorat promettent d’être fort dès la parution du livre.
Reste à savoir quel sera l’éditeur. Pour Régis Lejonc, celui qui sera éligible sera celui qui adhère à l’équipe et à son fonctionnement, qui sera prêt à prendre des risques et qui sera un bon accompagnant sur la partie artistique et économique. C’est aux éditions Little Urban avec lesquelles il a déjà travaillé qu’il propose le projet.
Ensemble, ils réfléchissent au modèle économique qui permettra à chacun d’être rémunéré équitablement : une édition courante existera via les canaux classiques, portée par Little Urban ; un tirage de tête sera tiré en amont, en faisant appel à des contributeurs. L’argent récolté permettra de publier cette édition limitée hors commerce et de rémunérer les auteurs à hauteur de mille euros chacun, en plus des 1 % de vente que chacun touchera sur la vente de l’édition courante. Ainsi, même si le financement participatif échoue, l’existence du livre n’est pas remise en question.

Il aura fallu presque deux ans à Régis Lejonc pour mettre en place un tel projet. À l’issue, il compte avoir certaines réponses afin de faire évoluer la méthode et d’inventer des alternatives adaptées à chaque projet de livre. Car il y a beaucoup de façons de faire des livres. Car une possibilité crée d’autres possibilités et Régis Lejonc travaille d’ores et déjà à un nouveau projet.

 

Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya
Format 29×36—éditions Little Urban
Sortie du tirage de tête hors commerce : juin/juillet 2023

Pour contribuer au projet :
Connectez-vous sur https://fr.ulule.com/9viesdegaya avant le 12 février 2023, minuit.
Sortie du tirage commercialisé en librairie : octobre 2023

 

par L.B.

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Dedans — Dehors : de la vidéo à l’écriture

Expérimentation entamée durant la pandémie, cette nouvelle approche par la vidéo de l’écriture littéraire fait désormais partie du travail de Lucie Braud, auteur et scénariste du collectif.
« Alors que les sorties étaient limitées et beaucoup de projets annulés, je me suis replongé autrement dans l’écriture d’un projet entamé puis mis de côté. J’ai dû reprendre le fil et replonger dans les ambiances que j’avais photographiées lors de mes marches sur le sentier côtier, sur l’île de Groix, sur les rives du Rhône, en forêt ou dans les rues de Bordeaux. Des paysages, à des instants différents de la journée. À l’aube, au crépuscule, la nuit, le jour, par temps clair, par temps gris, jours de pluie voire de tempête. Des ombres et des lumières.
C’est dehors qu’une grande partie de l’écriture commence. Elle se poursuit dedans. Dans des instants du quotidien, le matin au réveil et le soir au coucher, chambre et salle de bain. Le corps mis en scène cherche et devient celui du personnage. Puis à la table, l’écriture d’un premier jet. Je suis à nouveau dehors. Les aller-retour sont incessants. Corps dehors, esprit dedans. Corps dedans, esprit dehors.
Je fouille dans cette bibliothèque d’images, je trie, je classe, je sélectionne. Je choisis la musique que j’écoute lorsque je m’attèle à cette tâche. Un morceau en boucle, toujours le même, au casque pour ne rien perdre du grain de la voix, pour déceler les détails de sa composition. La musique influe forcément sur le choix de mes images. C’est un état d’esprit, une épaisseur. Je m’interromps quand cela est nécessaire, et je note des idées de scènes, des phrases piochées ici ou là, parfois simplement un mot. Parce qu’il vient et que je le trouve beau.
Pour reprendre le fil de ce récit interrompu, je teste une autre narration en mettant bout à bout les photos choisies. Une écriture par l’image, un déroulé sans chronologie, des fragments, des couleurs, des moments du dehors et des moments du dedans. Chez moi, l’écriture n’a pas vraiment de schéma, elle s’invente et s’organise différemment à chaque fois. Le temps n’existe plus vraiment, nuit/jour, il se déroule, c’est tout. Dehors et dedans. »

Dedans – Dehors .mp4 from un autre monde on Vimeo.

par R.G.

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Mundus : à l’origine de nos imaginaires

Laurent Queyssi, caméléon aux mille talents, spécialiste des œuvres de Dick et d’Alan Moore, critique, traducteur, auteur, scénariste… et membre du collectif Un Autre Monde, publie en cette rentrée chez 404 comics, une aventure fleurant bon avec le multivers et la pop culture. À cette occasion, il répond à trois questions éclair :

Mundus c’est quoi ?

C’est une bande dessinée que j’ai écrite, dessinée par Oriol Roig, et qui raconte l’histoire d’un trio d’adolescents qui, dans les années 90, se retrouvent embarqués dans des univers parallèles qui sont, découvrent-ils, des univers de fiction. Après être tombé dans le monde d’un roman de SF (adapté en film) qu’ils connaissent, ils se retrouvent dans celui d’un jeu de rôle situé dans un Londres alternatif de 1888. S’ensuivent des problèmes, des aventures, des questionnements et, je l’espère, chez le lecteur, la sensation de se retrouver plongé – presque au sens propre – dans des fictions.

Quels sont tes autres projets de création du moment ?

Je viens de sortir un roman noir, La Nuit était chez elle, situé dans le même cadre que mon précédent, Correspondant Local. Je travaille actuellement, avec un camarade, sur un roman pour la jeunesse qui évoque l’ambiance pulp des années 1920 et sur un roman de science-fiction dont l’idée se rapproche un peu des thématiques d’auteurs que j’affectionne comme Philip K. Dick ou J.G. Ballard.

La dernière lecture qui t’a marqué ?

C’est sans doute le Nuits appalaches de Chris Offut dont j’avais déjà grandement apprécié les précédents et notamment My father, the pornographer : a memoir qui racontait ses souvenirs d’Andrew J. Offut, son père, un forçat de l’Underwood qui écrivait à la chaîne des romans populaires dans tous les genres, dont la pornographie. Celui-ci est un roman noir à l’américaine : grande dépression, Kentucky, bourbon, loyauté et vengeance. De la bonne…

par R.G.

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